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Loge de Recherche Laurence Dermott

Rechercher dans la Fraternité et la Tolérance.

La Kabbale (1)

Publié le 15 Janvier 2013 par X in Kabbale

L’ésotérisme fait depuis longtemps parti de l’héritage religieux juif. On décèle de nombreux éléments gnostiques, dérivant en dernière instance du vieux gnosticisme juif, mais au final aucune école mystique ne s’est réellement séparée du judaïsme normatif.

Le but du mystique est en général la vision de Dieu, la contemplation de Sa majesté et la compréhension des mystères de la Création.

La Kabbale, qui signifie « recevoir », est la somme des mystères de la tradition mystique juive. C’est un chemin d’élévation spirituelle, à la fois une philosophie théorique et une pratique proche de la méditation.

La kabbale est la tradition mystique du judaïsme qui se présente comme un commentaire codé des textes bibliques. Dans son approche herméneutique, c’est donc l’ensemble des techniques de lecture et de déchiffrage des textes, pour en dévoiler et en communiquer les secrets.

La kabbale a aussi une approche plus mystique, qui consiste à recevoir la sagesse d’en haut, la lumière de l’infini. C’est un art de l’écoute de la grande symphonie des sphères célestes, du monde et de son propre être intérieur.

Enfin, la kabbale pratique insiste sur des points comme la prière, la méditation et certains rituels qui permettent à l’homme de s’élever intellectuellement et spirituellement.

Mais la kabbale n’est pas que « religieuse ». C’est aussi une leçon de vie, qui ne vise pas à rendre l’homme bon, mais juste à le rendre meilleur. C’est la recherche d’une harmonie et d’un mieux-être, pour soi et au sein de la communauté des hommes.

La kabbale est un art du cœur. La science ne suffit pas, il faut aussi de l’amour. Le kabbaliste est le juste équilibre entre l’« amour de la sagesse » et la « sagesse de l’amour ».

Pour la kabbale, la véritable opposition n’est pas entre raison et irrationalité (ou entre intelligence et sentiment), mais plutôt entre un intellectualisme desséché, dogmatique et étroit, et un intellectualisme libre et ouvert sur tout ce qui transcende les limites de la pensée logique.

1.1.Les 8 principales périodes de la kabbale

La première époque (-II à XII) est la mystique de la merkava (kabbale du char céleste) et du maassé beréchit (kabbale qui s’intéresse à la structure de la création du monde), formant les « mystiques du Talmud ». C’est l’époque de la « Littérature des Palais » et du Livre de la Création (Sefer Yetsira).

La seconde époque (1200-1300) comporte trois grandes écoles, en Provence, en Allemagne et en Espagne, avec les ouvrages comme le Bahir (le « Livre de la Clarté ») ou le Sefer Hassidim (le « Livre des Hommes pieux »). Malgré des tensions avec les autorités rabbiniques, la kabbale contribua à fortifier la résistance spirituelle des communautés juives.

La troisième époque, à peine postérieure à la précédente, se constitue en Espagne autour de la rédaction du Zohar, le « Livre de la Splendeur ». Il fut publié autour de 1280-1300 par Moïse de Léon (1250-1305) sous le nom du grand Rabbi Chimone Bar Yohaï (qui vécut au II siècle, peu après la seconde destruction du Temple).

C’est aussi l’époque de l’explosion de la kabbale extatique de Aboulafia.

La quatrième époque (jusqu’à la fin du XVII) est liée à l’expulsion des juifs d’Espagne en 1492. De nombreux maîtres espagnols se retrouvent à Safed, en Galilée, et y forment une école, la « kabbale de Safed ». C’est une continuation du Zohar, avec une insistance sur les Sephiroth, ainsi que sur la Chekhina (présence divine) et ses implications historiques.

La cinquième période voit l’émergence de l’hérésie mystique de Shabbataï Zwi (1625-1676) qui introduit des éléments messianiques.

La sixième période est appelée « hassidisme », résultat de l’école de pensée fondée par Baal Chem Tov. On assiste à une démocratisation des concepts de la kabbale. Le hassidisme devient un mode de vie, centré autour du rabbi qui apporte réconfort, conseil et guérison à ses adeptes.

La septième période, contemporaine de la sixième, est celle de la kabbale lituanienne. Elle poursuit les recherches de la kabbale de Safed, en rejetant l’hassidisme. L’importance est accordée à l’étude et l’application des mitsvot.

La huitième période est l’époque actuelle, qui voit l’émergence des recherches historiques, de syncrétismes entre les divers courants de kabbale, et d’une volonté de contact avec les autres mystiques, en particulier le bouddhisme.

 

2. Les clefs de la kabbale

2.1.La Lumière et sa transmission

La Lumière est l’un des mots les plus importants de la kabbale. C’est la plus haute métaphore de l’infini et du divin. Toutes les lumières émanent de l’infini. La kabbale, c’est la réception de cette lumière de l’infini. « Lumière, « vibration » et « énergie » sont les 3 mots clefs de la kabbale pratique.

En hébreu, lumière et infini ont la même valeur numérique 207.

L’énergie, depuis sa source, se propage dans l’ensemble de l’univers à travers un modèle de 10 « transformateurs d’énergie » appelé Sephiroth.

La réalité vraie (metsiout) est la lumière qui se trouve en chaque chose. La réalité fondamentale n’est donc pas la matière mais l’énergie : tout est énergie.

La kabbale pose comme hypothèse que la grandeur de l’homme est d’avoir la capacité de sentir ces énergies et de les maîtriser. Le kabbaliste est celui qui sait orienter ses pensées dans la bonne direction : c’est la kavana.

La vibration intérieure de l’homme correspond à 10 rythmes, ou pouls, que l’homme doit essayer de connaître pour les diriger avec justesse. L’analogie avec la musique et la recherche de l’harmonie est aussi utilisée.

Ange se dit malakh en hébreu, signifiant « envoyé ». Tout ce que l’homme perçoit (ou adresse) comme message des mondes supérieurs est un ange.

Le kabbaliste s’ouvre à une perception supérieure, il se « réveille » d’un sommeil intérieur : entendre l’inouï, voir l’invisible et sentir l’immatériel. C’est voir la richesse incroyable du monde en chaque instant et chaque lieu, sentir la présence divine partout.

2.2 .Le Mouvement et la Liberté

Le mouvement est fondamental. La lumière circule à travers tous les mondes. Une fois le monde créé, il est entré dans un processus de remontée vers sa source et s’est construit en allant du bas vers le haut, du moins parfait vers le plus parfait. Cette évolution vers le haut est la source de l’optimisme fondamental de la pensée kabbaliste.

L’homme fait partie de cette évolution, il aspire à retourner à la lumière primitive, il aspire à toujours être meilleur, ne pas tomber dans l’autosatisfaction.  

Le mouvement cosmique de retour (technouva) existait avant la création du monde. C’est un phénomène primordial et universel sur lequel se fonde l’existence même du monde. Elle est au-delà du temps et de l’inexorable enchaînement des relations de cause à effet.

Cela implique que l’homme peut changer le cours de sa vie, qu’il est libre face au déterminisme, ce qui le rapproche de Dieu.

La paume de la main (droite de préférence) apparaît dans la kabbale comme un résumé de l’âme humaine. L’étude de ses lignes est donc très importante. Mais cette vision, tout comme l’astrologie kabbalistique, ne « lie » pas l’homme à un destin. Celui-ci a toujours la possibilité de d’influencer et d’infléchir sont destin. Les lignes de sa main se modifieront en conséquence…

2.3.Lecture et interprétation. La Révélation

Pour le judaïsme la principale question n’est pas « Qui est Dieu ? », mais « De quelle façon se révèle-t-il aux hommes ? ». La Révélation, c’est d’abord la révélation d’un texte, la Tora. C’est aussi le don des clefs de l’interprétation, formant un champ d’étude inépuisable, en perpétuel mouvement.

Lors du tsimtsoum, l’infini de Dieu s’est autolimité. Il crée le monde et devient l’invité du monde dans une forme finie. Le passage de l’infini dans le fini s’est opéré par le texte. C’est par ce texte que l’homme apprend à connaître Dieu.

Grâce à l’interprétation, les permutations comme le tsérouf ou la guematria, ce texte fini devient potentiellement infini. L’interprétation du texte, c’est la libération du Divin.

Interpréter, c’est découvrir du sens, et non pas la vérité. Ce n’est pas dévoiler un secret, mais dévoiler qu’il existe un secret. La liberté d’interprétation est aussi une liberté existentielle.

L’interprétation et la réinterprétation continuelle des textes sont fondamentales. C’est une dynamisation du psychique, une ouverture de l’esprit, tout cela dans un mouvement de transcendance vers l’infini. La kabbale enseigne qu’un texte est indéfini, ouvert à des interprétations toujours nouvelles, sur des plans aussi variés que la philosophie, la sociologie, la politique, la linguistiques, l’histoire, etc.

D’où l’importance du langage poétique dans la kabbale, le plus à même de susciter l’interprétation. La poésie réussit, mieux que les mots simples et la prose, à exprimer et faire ressentir au lecteur l’essence du message mystique. Les images, métaphores et symboles sont plus aptes à exprimer ce qui est au-delà des mots. La compréhension de la kabbale est d’abord une illumination ou une intuition.

Les kabbalistes distinguent 4 niveaux de lecture : pchat (sens simple ou littéral), rémèz (sens allusif), drach (sens sollicité, qui ne concerne pas le texte mais le contexte non dit) et sod (sens caché ou secret, c’est une autre lecture à partir d’un réarrangement différent des signes du texte. C’est plus une expérience mystique qu’une lecture). Les initiales de ces mots forment un sigle se prononçant Pardès, c'est-à-dire « verger » ou encore « paradis ».

L’exégèse chrétienne distingue aussi 4 niveaux de lecture (littéral, allégorique, moral et anagogique), mais ceux-ci restent statiques.

2.4.Le rapprochement avec le Divin. L’Amour

La kabbale est l’histoire du rapprochement a priori impossible entre Dieu et sa créature.

La prière est l’expression de la volonté d’entrer en relation avec la source de lumière, d’approcher le divin. Le hassidisme apporta une revalorisation à la prière rituelle : réciter une prière n’a de sens qu’à la condition qu’elle jaillisse réellement du cœur.

La nostalgie réciproque de l’homme vers Dieu se traduit par des images d’amour dans les textes, dont le Cantique des Cantiques est un exemple.

L’amour est fondamental en kabbale, car le monde repose sur la relation du féminin et du masculin, qui se traduit par l’amour.

Pour la kabbale, le monde est entièrement composé de composantes masculines et féminines. Le monde est entièrement masculin ET féminin. Il y a masculin quand il y a épanchement de l’influx, offrande de lumière. Il y a féminin quand il y a « résidence » de la lumière, et on parle alors de chekhina.

Mais l’amour est d’abord vu comme l’art de savoir donner de soi-même.

Voir les exemples dans le chapitre guematria.

2.5.Le schéma fondamental de la kabbale

Toute la kabbale se fonde sur un schéma vertical : le passage de la lumière de l’infini (or en sof), ou lumière d’en haut, à la réception de cette lumière (qabbala) dans les mondes d’en bas.

Entre émanation et réception, les intermédiaires sont multiples. La kabbale est l’étude de ces voies, des mondes intermédiaires qui existent entre le monde supérieur et le monde inférieur.

Ces intermédiaires sont : les lettres de l’alphabet ou le « livre » (sefer) ; les chiffres et l’univers mathématique (sefar) ; la décade des éléments fondamentaux (les 10 sefirot) ; les noms multiples de Dieu et le Tétragramme ; la prière ; etc.

2.6 Les kabbalistes

Le mot hébraïque pour kabbaliste est meqoubal, signifiant « celui qui est reçu », et plus généralement « celui qui reçoit ».

Le kabbaliste est un sage qui conduit son peuple. Il enseigne la Torah et doit faire justice. Il est un initié au sein d’un groupe, il devient « maître » à l’issu d’une cérémonie où il reçoit l’imposition des mains d’un maître. Par ce geste, qui remonte à Moïse, il reçoit une partie de la puissance spirituelle du maître. Le kabbaliste s’ouvre à la Lumière divine.

Le kabbaliste est un perpétuel « disciple », à relire les textes et à cherche de nouvelles interprétations. Ainsi est-il en perpétuelle remise en question. Il est un « chercheur » de vérité et non un « possesseur » de vérité.

L’idée de cheminement des kabbalistes est présente dans tous les textes. Le kabbaliste s’appuie sur le passé pour avoir une pleine conscience du présent et une responsabilité pour le futur. Pour lui, vivre est une aventure, et n’est pas la nostalgie de formes déjà vécues.

Il est important pour le kabbaliste de rester dans un état d’enfance dans ce qu’il a de constructif par rapport à la dimension du futur : « quand je serais grand, je serais… ». C’est l’espérance, c'est-à-dire savoir que tout est toujours ouvert, que le destin n’existe pas ou ne nous enferme pas.

« Vivre, c’est naître à chaque instant ».

 

3. Les 4 mondes

 

S’inspirant des sources primitives, les kabbalistes de Safed, et en particulier Cordovero, ont adopté la doctrine des 4 mondes placés entre l’En-Sof et notre cosmos terrestre.

 

Les 4 mondes, traversés de haut en bas par la lumière divine, sont :

  • Atsiluth, le monde de l’émanation et de la Divinité.
  • Beria, le monde de la création. Les séraphim.
  • Yetsira, le monde de la formation. Les malakhims et les hayot haqodèch.
  • Asiyah, le monde de la fabrication. Les ophanim, et l’ange Sandalphon.

 

Ce qui correspond à la dimension d’espace dans le monde matériel est appelé « palais » dans le monde de l’action spirituelle et dans les mondes supérieurs.

Plus le monde est supérieur, plus le temps devient abstrait. Il tend à représenter l’essence la plus pure du changement, voir celle de la possibilité du changement.

3.1. Atsiluth, le monde de l’émanation

Le quatrième monde, le plus élevé, est à la tangence de la matière et de la lumière.

C’est le monde de la spiritualité qui englobe à la fois actions, sentiments et pensées, mais tous orientés dans un but d’élévation spirituelle et dans une volonté de contact avec la lumière de l’infini.

C’est là où l’homme peut entrer en contact avec l’En-Sof.

3.2.Beria, le monde de la création

Le monde de la création est un monde de pur esprit.

Esprit, pas dans le sens d’une essence intellectuelle, mais plutôt dans sa capacité créatrice et sa faculté de concevoir et d’intégrer la connaissance.

C’est le monde du Trône, de la Merkaba et des anges les plus élevés.

3.3. Yetsira, le monde de la formation

Il se situe au dessus d’Asiyah, et c’est essentiellement le monde des sentiments. Les émotions sont sa principale substance. C’est le domaine principal des anges.

3.4. Asiyah, le monde de l’action

Ce monde comporte deux dimensions. Sa partie inférieure est le monde des actes matériels, le monde physique « classique ». Sa partie supérieure est le monde de l’« formation spirituelle », c’est le monde des idées.

L’homme appartient en parallèle à ces deux dimensions, matériellement pour l’un et spirituellement pour l’autre.

3.5.Les anges

3.5.1. La nature des anges

Les « âmes » des 4 mondes sont l’ensemble des créatures vivantes jouant un rôle dans les dimensions de l’espace et du temps. Elles se distinguent du reste par la conscience qu’elles ont d’elles-mêmes. Parmi les âmes des mondes supérieurs, les anges jouent un rôle primordial.

Ce qu’on appelle ange est une réalité spirituelle pourvue d’un contenu et de qualités caractéristiques et uniques. Ce sont des êtres complets, conscient d’eux-mêmes et de leur environnement, capables d’agir. Ils sont principalement des messagers entre le monde inférieur et le monde supérieur au leur.

Il y a des anges qui existent depuis l’origine des temps, et d’autres qui sont éphémères.

Les actes saints, les émotions dirigées vers Dieu créent des malakhim, qui constituent comme une part de l’homme et s’étendent jusqu’aux mondes supérieurs.

Un ange protecteur est un ange créé par une action de grande valeur qu’une personne a l’habitude de faire.

Un malakhim du monde de la formation incarnera un élan ou une pulsion. Cette émotion incarnée ne changera pas, les malakhim étant « statiques » en quelque sorte. On dit qu’ils sont omèd : « debout pieds joints ». L’essence du malakhim est définie par les limites de son émotion particulière. Cela limitera aussi le rôle qu’il pourra jouer, en le « spécialisant » sur des actions en relation avec sa nature limitée.

Les séraphim du monde de la création sont des essences de pure intelligence. Ce sont les anges de l’étude.

Pendant l’étude des textes de la Tora, il est important de lire à haute et intelligible voix, car chaque lettre prononcée fait naître un séraphim qui la transmet. Chaque lettre a un ange. Ainsi Aleph devient Alephiel, Bèt devient Bètiel, etc.

3.5.2. Les noms

Les noms d’anges sont souvent théophores, c'est-à-dire porteur du nom de Dieu. Ils se terminent par « el » ou « yah » (venant de Elohim ou Yahvé). Certains, ayant un nom à consonance grecque, se terminent en « ron » ou « on ».

Les anges qui appartiennent au même « camp » portent le même nom générique, qui se termine en « im » ou « in ».

Malakh désigne l’« ange » en général. « Malakhim » est le nom générique pour les anges, mais aussi une catégorie de ces anges.

3.5.3. Les catégories

Il existe des catégories d’anges différents dans les 4 mondes. Il existe 10 catégories : les hayot (« créatures vivantes »), les ophanim (« roues »), les séraphim (« ceux qui brûlent »), les kérouvim (« chérubins »), les arélim (« créatures de lumière divine »), les tarchidim (« messagers du lointain »), les hachmalim, les élims (« créatures divines »), les malakhim, les ichim (« créatures de feu »).

 

4. Les niveaux de l’âme

 

On trouve dans la Bible, et plus tard dans la kabbale, 5 expressions pour désigner l’âme. Certains commentateurs ont hiérarchisé ces états, les associant à des niveaux de méditation différents. Ils sont également liés aux 4 mondes.

4.1.Néfèch, monde de l’action

Dans la genèse, Dieu fait l’homme « à son image selon sa ressemblance ». On distingue la notion de « schéma corporel », en gros le corps lui-même, et celle d’« image du corps », qui est la façon actuelle dont nous ressentons inconsciemment notre corps, en fonction des expériences passées et du contexte présent.

Le néfèch est tout d’abord le corps et l’ensemble de ses possibilités d’action, ainsi que ses mécanismes de la vie dans son infrastructure (surtout le sang, mais aussi la respiration, …).

C’est le « schéma corporel ».

A ce niveau, la méditation porte sur le rapport entre les chiffres, les lettres et le corps. Il y a analogie entre corps et graphie. Parfois les postures corporelles cherchent à imiter les lettres de l’alphabet, et par rapport aux trois formes élémentaires point-ligne-plan.

La méditation porte aussi sur le nombre 44 (valeur en particulier du « sang »), ainsi que sur les possibilités de mise en mouvement du corps.

4.2.Rouah, monde de la formation

Rouah est l’« image du corps », l’image spirituelle que nous nous faisons de notre corps. C’est le moteur émotionnel de néfèch.

Sémantiquement, le mot est lié à l’air, au souffle, et à l’esprit.

La méditation s’oriente sur la respiration ainsi que les vertus vibratoires de la prononciation des voyelles. Cela consiste en inspiration, rétention du souffle, puis expiration avec prononciation d’une voyelle, de façon très similaire au yoga.

Dans la tradition judaïque, le souffle a une grande valeur. Respirer, c’est déjà prier.

4.3.Nechama, monde de la création

Nechama est difficilement différentiable de rouah. C’est la dimension intellectuelle de l’âme, rouah étant plus axé sur les émotions.

C’est le moment où la méditation se fait lecture, étude et interprétation. Un des lieux fondamentaux de la vie du kabbaliste est la maison d’étude, bèt-hamidrach ou encore yechiva. Un des aspects particulier de l’étude est qu’elle est chantée (le chant de l’étude : nigoun).

Dans le nigoun, il y a de nombreuses variations l’essentiel étant de ressentir les vibrations dans la joie. Il faut s’imprégner du sens et de l’émotion des lettres que l’on chante.

La méditation passe aussi par la visualisation des lettres et la réflexion à leur sujet. Ensuite le sujet de méditation portera sur les noms, celui du kabbaliste puis ceux de sa famille passée et à venir.

4.4.Haya, monde de l’émanation

C’est un degré de spiritualité qui englobe aussi bien la conscience du corps que les sentiments et les réflexions intellectuelles.

Ce niveau se traduit par la prière, et celle-ci est principalement construite sur les psaumes de David. La méditation porte sur la lecture à haute voix et rythmée des psaumes, de préférence en groupe.

4.5. Yehida

En yehida, on est en tangence avec le en sof (situation de devéqout).

Yehida signifie « singularité », « unicité ». C’est la manière d’être unique de chacun. Chaque être humain a une vocation propre, sa responsabilité étant de la réaliser.

 

Au niveau de la méditation, la prière devient personnelle. Le kabbaliste invente ses propres prières au cours de retraites solitaires. Il médite seul et en silence sur sa vie et son comportement. C’est un retour sur soi.

 

5.    L’Arbre Sefirotique

5.1.La vision du Sefer Yetsira, le Zohar

La première section du Livre de la Création présente les « 32 voies merveilleuses de la Sagesse » par lesquelles Dieu a créé le monde : les 22 lettres et les 10 nombres primordiaux (les sefirot).

La première sefira est le pneuma (ruah) du Dieu. De ruah sort l’Air primordial, duquel naissent l’Eau et le Feu. Ce sont les secondes, troisièmes et quatrièmes sefirot. De l’Air Dieu créé les 22 lettres, de l’Eau le Chaos cosmique, et du Feu le Trône de la gloire et les hiérarchies des anges. Les 6 dernières sefirot représentent les 6 directions de l’espace.

Le Zohar comporte une étude importante de l’arbre sefirotique.

Les 10 sephiroth sont les 10 degrés du monde intérieur à travers lequel Dieu descend de sa retraite la plus intime jusqu’à sa révélation dans la Chekhina. Elles sont les parures de la Divinité, mais aussi les rayons de lumière qu’elle envoie.

Le monde des sephiroth est aussi le monde caché du langage, le monde des noms divins. Le développement de la vie en Dieu peut être exprimé comme le déroulement des éléments du discours.

5.2.Les dix sefirot

La lumière de l’en sof traverse les 10 sefirot, dans lesquelles elle se déploie et se diffracte sous des aspects différents. Toutes les forces de l’univers dérivent de ces éléments.

Le mot sefira recouvre différentes choses selon les auteurs. Elles sont comme un alphabet de 10 éléments ou de 10 forces qui se conjuguent entre elles.

Chaque sefira est à la fois féminine, en ce qu’elle reçoit la lumière, et masculine, en ce qu’elle la redonne. La lumière atteint la première sefira qui, une fois remplie, transmet la lumière en surplus à la sefira suivante. Quand la sefira reçoit mais ne transmet plus son surplus de lumière, elle explose, c’est la « brisure des vases ».

Le segol est un triangle formé, dans l’arbre séfirotique, de 2 sefirot des colonnes extérieures situées à la même hauteur et de la sefira centrale inférieure.

5.2.1.      Kétèr, la suprême couronne ; l’art d’être présent à soi

La première sefira désigne la volonté divine primordiale, source de toute volonté.

C’est la première et la plus haute ouverture à la transcendance.

La kabbale insiste sur l’importance du passé et du futur. Mais le passé ne doit pas être la nostalgie d’une situation qui nous retient et nous bloque, et le futur ne doit pas être une fuite en avant.

Kétèr, c’est l’importance de l’instant présent, la capacité à assumer entièrement l’instant dans lequel nous sommes, sans se dire que l’on pourrait être ailleurs ou faire autre chose. C’est le secret du calme et de la sérénité de la vie. Avant d’entreprendre chaque action, il faut diriger son attention.

Kétèr se rapproche du « sans intention », du « agir sans agir » que l’on trouve dans le bouddhisme zen.

5.2.2.      Hokhma, la sagesse ; savoir s’étonner et s’émerveiller

Hokhma, c’est l’éveil de la conscience au merveilleux qui imprègne le monde. Cet éveil commence par une remise en question. La sagesse dans l’étonnement et le questionnement constitue la Hokhma.

L’étonnement doit porter sur tout ce qui nous entoure, ce qui est proche de nous au jour le jour, avant de pouvoir s’attarder sur les « grands mystères ». C’est la capacité à être ouvert à la parole de l’autre, c’est la dimension d’écoute et d’ouverture. C’est l’humilité d’un esprit qui accepte encore d’apprendre.

L’étonnement et le questionnement libèrent l’homme de l’emprise de certaines habitudes de pensée, convictions, préjugés, etc. L’homme libéré n’est pas, il devient.

Hokhma est aussi l’ouverture vers le rêve, l’imaginaire et la poésie, en opposition avec le langage logique et froid de la Bina.

Enfin, dans la kabbale Hokhma est lié au père.

5.2.3.      Bina, l’intelligence

La Bina, c’est la capacité qu’à l’esprit de déduire ou d’induire une chose de l’autre. C’est le raisonnement logique pur.

Bina est liée à la mère.

5.2.4.      Daat, la sefira cachée

Daat est le ressenti, l’intelligence émotionnelle, résultant d’une expérience existentielle.

Daat est la rencontre harmonieuse de la logique et de l’imaginaire.

5.2.5.      Héssèd, l’amour et la générosité

Héssèd est l’ouverture des formes closes, le mouvement, le dynamisme. C est la dynamique de l’être, le souffle vital.

Héssèd se rencontre dans tous les gestes qui disent le don et l’amour. C’est aussi le désir, désir insatiable d’infini.

Géométriquement, Héssèd est représenté par la droite : possibilité infinie de mouvement.

5.2.6.      Din, la force, le jugement

Din, c’est littéralement la « loi », le « jugement ». Aussi bien la loi rituelle que juridique ou physique, c’est l’organisation contre l’anarchie. Din assure au monde la possibilité de perdurer.

Din est représenté par le point ou le cercle : absolument fermé, sans temps et sans espace, c’est une configuration close.

5.2.7.      Tiférèt, l’harmonie

Dans la réalité, din et héssèd cohabitent en toute choses. Le monde ne serait pas s’il était l’un sans l’autre.

Tiférèt est l’équilibre entre ces deux forces, le clos et l’ouvert.

Anciennement appelée Rahamim dans le Zohar.

5.2.8.      Le segol de Héssèd, Guévoura et Tiférèt

Héssèd, c’est l’amour et la générosité ; Guévoura (ou din), c’est la force, le jugement, la rigueur ; Tiférèt, c’est l’harmonie. Ces 3 sefirot sont organisées en segol.

 

Elles proposent une conception du bien et du mal. Est « bien » tout ce qui tend à être en accord avec la dynamique et la force créatrice qui anime le vivant ; est « mal » tout ce qui s’oppose à la vibration de la force créatrice du souffle du vivant. C’est un mal qui consiste à refuser la réalité d’un monde imparfait, c'est-à-dire la possibilité de perfectionnement et la liberté qui le met en œuvre.

Le mal dans notre monde réside dans tout ce qui entrave le rythme du perfectionnement et du développement, dans tout ce qui fige et affaiblit la spontanéité de la libre volonté.

Le paradoxe est que le « bien absolu » de la source divine, étant parfaite, ne peut plus évoluer, et ce manque de dynamisme représente un « mal ».

« La perfection de l’homme, c’est sa perfectibilité », ce que l’on peut mettre en parallèle avec ce qui dans l’art est la perfection des formes inexactes.

Le cercle symbolise la nécessité enclose à l’intérieur de ses lois, la fermeture qui interdit tout progrès de la liberté, le din. Au contraire, la ligne droite symbolise la liberté, la réalité en développement, le héssèd.

5.2.9.      Nétsah, la victoire et la patience de Dieu

Nétsah signifie « victoire », dans le sens de la maîtrise sur quelque chose.

Nétsah est l’organisation de la vie dans le monde matériel. C’est la nécessité du politique, de l’économique et de la maîtrise des passions.

Le kabbaliste ne peut se contenter d’être un contemplatif, il doit aussi s’investir dans les réalités concrètes de ce monde.

5.2.10.  Hod, la splendeur, la majesté

L’esthétique et la beauté fait partie de l’harmonie du monde. L’homme est à la fois un artiste et une œuvre d’art.

L’œuvre d’art est une ouverture du monde à son futur le plus essentiel : elle est la mise en mouvement, le chemin, le voyage…

La sefira Hod, c’est savoir retenir l’espérance et le rêve.

5.2.11.  Yessod, le fondement, la transmission

Yessod est l’aspect de transmission et de don des éléments acquis dans les sefirot supérieures. C’est la capacité du « juste donner ». L’importance de la transmission est illustrée par le déversement bloqué de lumière dans les sefirot qui conduit à la « brisure des vases ».

Cette transmission, de père en fils, de génération en génération, revêt une importance fondamentale dans la tradition judaïque.

5.2.12.  Malkhout, le royaume

Malkhout est le point d’orgue de la kabbale, c’est la réception achevée, la traduction des sephiroth dans le monde de la réalité et dans le temps de l’histoire.

Cette sephira est aussi vue comme l’archétype mystique de la communauté d’Israël, ou encore comme la Chekhina.

5.3.Les trois colonnes

Il n’y a pas une simple verticalité entre le monde d’en haut et celui d’en bas, il y a trois colonnes verticales parallèles. Il y a la colonne de l’amour à droite (héssèd), celle de la justice à gauche (din ou guevoura), et la colonne centrale de l’harmonie, synthèse des deux colonnes latérales (tiférèt).

Les trois axes se rejoignent dans la dixième sefira du « royaume » (malkhout). Là, trois font un.

Le christianisme, avec son culte de l’amour, se laisserait porter par héssèd. L’islamisme, au contraire, suivrait din à l’extrême. La religion bouddhique serait attachée à l’axe du milieu. Elle est la plus proche du judaïsme et de l’esprit de la kabbale.

5.3.1.      Héssèd, la colonne de la générosité

Héssèd se traduit par « amour », mais amour vu dans un sens très large.

Le héssèd, c’est la force d’expansion et d’extension qui se laisse aller à sa nature, de manière large, généreuse et spontanée. Il n’a dont pas un sens seulement positif. C’est aussi le monde qui va vers son maximum de désorganisation.

C’est la spontanéité de la nature humaine, ses orientations immédiates, ses intuitions, le cœur, le sentiment, la pulsion à l’état pur.

L’image de l’eau, qui prend toutes les formes et qui déborde et se répand partout quand elle n’est pas maîtrisée, illustre bien héssèd.

5.3.2.      Guevoura, la colonne de la justice

Guevoura, c’est la « rigueur », la force de limitation, de détermination et de définition. C’est la sphère de la loi et de la différence. Elle est la séparation et la distinction entre les termes en relation.

C’est la raison, la définition, la catégorie.

5.3.3.      Tiférèt, la colonne de l’harmonie

La réalité véritable consiste dans l’équilibre des deux forces. C’est la relation à égale distance entre domination et soumission, fusion et altérité, continuité et séparation.

5.4.Le symbole de l’arbre

L’arbre est un des symboles les plus importants de la kabbale, il symbolise la vie. Le « Grand Arbre » est l’arbre du monde, l’arbre sefirotique et l’arbre de vie. Sa racine se situe dans l’en sof, l’arbre croit de haut en bas.

L’homme est appelé le « petit arbre ». Il est aussi le lieu des 10 sefirot. L’homme aussi est « debout » et « porteur de fruits ». Dans le Zohar, l’image de l’homme est aussi souvent employée que celle de l’arbre.

L’arbre, avec son cycle annuel, rappelle à l’homme la renaissance des morts.

Enfin, la guematria montre que l’un des mots pour désigner arbre a la valeur 91, comme l’ange malakh. Or, tout deux apportent la lumière des sefirot au monde.