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Loge de Recherche Laurence Dermott

Rechercher dans la Fraternité et la Tolérance.

Catharisme

Publié le 17 Décembre 2012 par Lucienne Julien et André Douzet in Cathares

ZOROASTRE ET LE MAZDÉISME

C'est au VIe siècle (av J.C.) que naît Zoroastre et la tradition dualiste qui se poursuivra avec les Esséniens, les Gnostiques, les Manichéens, les Ariens, les Pauliciens, les Bogomiles, les Patarins, les Cathares... Réformateur de l'antique religion iranienne (le Mazdéisme, fondé sur deux principes : le Bien et le Mal), Zoroastre vivait en Médie. On dit que Pythagore était l'un de ses disciples. La Vérité, disait-il, lui avait été révélée par la « Grande Lumière », le Soleil, représentant pour les dualistes, et notamment pour les Cathares, le Symbole sacré. En résumé, notre monde se trouvait être à un état intermédiaire, la vie étant le produit d'un affrontement entre les forces du Bien, la Lumière (Ahura Mazda), et les forces du Mal, les Ténèbres (Ahriman). A la suite de nombreuses défaites, surviendrait la victoire de Mazda dont lui, Zoroastre, était le prophète.
Le croyant devait accomplir sur la terre de bonnes actions, s'efforcer d'avoir de bonnes pensées et de dire de bonnes paroles, pour favoriser l'action des «Immortels Bienfaisants» (puissances intermédiaires entre le Ciel et la Terre). Quand viendrait le Jugement dernier, à la chute d'Ahriman, Mazda, le «Seigneur sagesse», ouvrirait le Livre où les actions de chacun étaient consignées. Enfin, ce serait un Messie qui annoncerait au monde la défaite du Mal.

LES ESSÉNIENS

Au IIe siècle avant J.C. apparaît alors, au sein du judaïsme, la secte des Esséniens. Cette communauté Juive fortement influencée par le Zoroastrisme, qui se disait l'unique dépositaire du sacerdoce hébraïque, vivait (comme le feront plus tard les Cathares) dans le plus parfait ascétisme ; chasteté, régime sans viande, vie en communauté, méditation, prière, etc… Elle étudiait aussi les sciences et pratiquait l'astrologie, prévoyant ainsi la venue du Sauveur.
Les Esséniens, ainsi que les Cathares, croyaient en la réincarnation ; mieux encore, ils en avaient la connaissance. Ainsi, au travers de vies successives, l'homme parvenait-il lentement à se libérer du Mal. Comme eux, les Cathares accordaient aussi à la puissance de la lumière une importance capitale; ils se refusaient catégoriquement à accepter des dogmes rigides et recherchaient, pour méditer et prier, des lieux d'une grandeur imposante, propices à l'élévation de l'âme.

L'INFLUENCE GNOSTIQUE DANS LE MANICHÉISME

Manès

En l'an 216 après J.C., en Babylonie, naît Manès qui intègre au dualisme de Zoroastre le Christianisme primitif ainsi que l'enseignement religieux de Bouddha.
Ses parents sont perses et font partie des Mandéens, une secte gnostique. Par deux fois, à douze et vingt-quatre ans, il aurait été visité par un ange, messager du «Roi du Paradis des Lumières», qui lui aurait ordonné d'abandonner la secte mandéenne, de se faire connaître et de proclamer bien haut sa doctrine.
Après un pèlerinage aux Indes, Manès revient en Iran et se met à prêcher. Nombreux sont ses adeptes. Mais lorsque le deuxième fils du roi des Sassanides monte sur le trône, les mages zoroastriens de la Cour parviennent à le faire condamner. Il meurt en prison en 277.
Manès considère Zoroastre, Bouddha et Jésus «Le Lumineux» comme des prophètes messagers du Père. Lui-même en étant un, le dernier. Dans sa doctrine, on retrouve naturellement la lutte entre le Bien et le Mal agrémentée de variantes. Il existe deux mondes, celui du haut où règne «le Roi du Paradis des Lumières» et celui du bas dont le «Prince des Ténèbres» est le souverain. Pour en avoir eu soudain la vision, le Prince des Ténèbres désire la Lumière et lance vers le monde du haut ses démons à l'assaut. De la surprise du Roi du Paradis jaillira la «Mère de Vie», de laquelle émanera le «Premier Homme».
Ce dernier étant vaincu par le Prince de l’obscurité, une parcelle divine reste donc emprisonnée dans la matière. Perdu, l'homme adresse à sept reprises une prière au Père qui envoie vers lui «L'Esprit Vivant » et la « Mère de vie» pour le ramener en son royaume. Mais son «enveloppe» demeurant prisonnière des Ténèbres, «le Père organise le monde afin d'aider à son salut...».
Ainsi, le croyant, conscient de sa nature double, devra partir à la recherche de sa lumière intérieure afin de se dépouiller de son enveloppe charnelle, œuvre du Mal, et retrouver Dieu.
Les Manichéens se divisent en «Elus» (que les Cathares nommeront Parfaits, Purs ou encore Bonshommes) et en «Auditeurs» (Les Croyants chez les Cathares). Prières et impositions des mains pour transmettre l'Esprit constituent leurs simples rituels. La religion de Manès devait s'étendre en Palestine, en Egypte, en Afrique du Nord.
Par l'Espagne, la Gaule, l'Italie et Rome, elle s'introduit en Asie centrale et, au XIIe siècle, atteint la Chine. Incontestablement, le Manichéisme s’avère largement imprégné de Gnosticisme.
Les Gnostiques possèdent la connaissance de tout ce qui a rapport avec Dieu, l'Etre suprême, et au Christ (que certains considèrent comme un prophète, d'autres comme le fils unique de Dieu). Des élus, les Purs, se distinguent parmi eux (de même que chez les Manichéens et Cathares)… et seuls ces initiés à la connaissance enseignée par Jésus ont le pouvoir d'en délivrer le message rédempteur. Dans le Gnosticisme, théologie ne signifie pas religion. Celle-ci se résume en trois points : Connaissance, Sagesse et Vie. Les simples croyants doivent s'attacher le plus possible à ne point faire le mal, mais l'âme, même la plus noire, n'est jamais définitivement perdue ; elle peut, à force de volonté, retrouver la lumière.

DES PAULICIENS AUX BOGOMILES

Sur l'origine des Pauliciens, les avis sont partagés. Certains pensent que les frères Pierre et Paul, fils de Manichéens, en seraient les fondateurs ; d'autres que ce serait Paul de Samosate, l'évêque hérétique d'Antioche, vivant au IIIe siècle. Toujours est-il que les Pauliciens, comme les Zoroastriens et les Manichéens, sont dualistes et croient en l'existence de deux mondes : celui de la Lumière, créé par Dieu, et celui des Ténèbres, créé par le Démon. Ils s'affirment Chrétiens mais renient la croix du calvaire, instrument de supplice. Le Soleil symbolise aussi pour eux le Verbe lumineux sacré. Cette fraternité est persécutée à Byzance durant près de trois siècles pendant lesquels elle résiste vaillamment. Hélas, finalement, les vaincus se dispersent en 872. Regroupés pour la plupart dans la péninsule Balkanique, ils établissent au sud du Danube un royaume d'où ils propagent l'hérésie dualiste. Ainsi apparaissent, vers 970, en Bulgarie, les Bogomiles. Leur message d'inspiration paulicienne est, à peu de choses près, semblable à la doctrine cathare; il prêche essentiellement le retour à la pureté et le rejet de la tutelle de l'Eglise. Cette religion se répand en Bosnie, en Serbie. C'est au début du XIe siècle, alors qu'elle gagne l'Italie du Nord (où elle se maintient jusqu'à la fin du XIVème siècle) et le Midi de la France, que les évêques, sentant l'Eglise Romaine menacée jusque dans ses Etats, se mettent mutuellement en garde contre ces hérétiques… en utilisant le terme de «cathares», dont l'origine viendrait du grec «catharos» signifiant «pur».
Sortant de l'ombre, la religion cathare devient, avant le milieu du XIIe siècle, quasiment officielle, avec ses traditions et une organisation hiérarchique. L'évêque hérétique bulgare Nicétas vient même, en 1167, de Constantinople à St-Félix de Caraman (près de Toulouse) pour réunir en concile les évêques cathares des nouvelles églises languedociennes.
«Le Catharisme n'était plus une secte ni un mouvement d'opposition à l'Eglise établie, c'était une véritable Eglise...» écrit Zoé Oldenbourg dans son remarquable ouvrage ‘le Bûcher de Montségur’.
Peut-être l'hérésie cathare, comme tant d'autres hérésies, n'aurait-elle laissé que quelques traces dans l'histoire de notre pays si l'Église, en 1209, n'avait lancé contre cette terre chrétienne une croisade qui, au fil des ans, devait se transformer en une guerre de conquête.

LES ARIANISTES

Tout au début du IVe siècle, l'autorité de l'Église se trouve également contestée par les Arianistes.
Né à Alexandrie vers l'an 300, le prêtre Arius, en fondant l'Arianisme, ne fait que reprendre l'ancienne doctrine d'Origène (IIe siècle av. J.C.) qui n'admet point la consubstantialité des trois personnes de la Trinité. Pour lui, le Père Eternel, jamais créé, avait créé le Fils et l'Esprit Saint.
Arius, excommunié par le Concile de Nicée en 325, meurt à Constantinople en 340. L'Arianisme gagne cependant l'Occident et s'étend en Aquitaine et en Languedoc. L'invasion des Francs a depuis fort longtemps détruit cette hérésie quand les Cathares apparaissent en Occitanie ; mais, peut-être, cette terre en gardait-elle secrètement quelques traces la prédisposant à accueillir favorablement une doctrine nouvelle qui, elle aussi, allait s'opposer à celle de l'Église de Rome.

AUX ORIGINES DU CATHARISME : LES BOGOMILES.

Qui sont-ils, ceux dont le nom exprime les amis de dieu ? En réalité, le Bogomilisme est simultanément un mouvement hérétique dualiste «néomanichéen» basé sur la doctrine de Mani, et l'aboutissement d'un événement socio-religieux. Il prend une importance grandissante de l'Arménie au Midi de la France, mais c'est en Arménie, au VIIe siècle, que surgit et se répand en une vague déferlante le mouvement néo-manichéen. Le premier écrit officiel relatant les faits date de 972. C'est le célèbre «Traité contre les Bogomiles» du prêtre Cosma. On y lit « ... ils dénoncent les riches, ils ont horreur du Tsar, ils ridiculisent les supérieurs, condamnent les nobles et défendent à tous les esclaves d'obéir à leur maître ». La description est on ne peut plus précise et se passera de tout commentaire... Il n'est donc pas étrange que le mouvement ait rencontré un vif intérêt parmi le petit peuple exploité chaque jour davantage par l'autorité féodale de l'époque.
Quant à la doctrine, elle est essentiellement axée sur la croyance d'une lutte perpétuelle entre la lumière et les ténèbres, l'une et l'autre présentées par un dieu bon et un dieu mauvais. Seule une régénération de l'esprit peut vaincre le mal régnant en maître sur un monde qui est en réalité l'expression d'un perpétuel champ de bataille entre les deux antagonistes. Auditeurs et Parfaits étaient les seules divisions autorisées par le Manichéisme. Ces hommes et femmes s'abstenaient de manger la viande, les oeufs, les laitages, de verser le sang, bien entendu. Ils devaient en outre renoncer totalement à tous les biens terrestres, richesses et autres privilèges ou titres. Évidemment, ils renonçaient aux commerces de la chair... On distingue généralement deux directions dans le courant bogomile. Une croyance, originaire du ‘Livre de Job’ tiré de l'Ancien Testament, fait intervenir un fils de dieu bon se rebellant contre l'autorité paternelle. Cette interprétation est encore admise de nos jours. Si le nouveau testament est toléré par les Bogomiles, ils observent certains refus catégoriques : celui des images et des icônes et la négation inconditionnelle du pouvoir séculier et ecclésiastique... Par certains de ces aspects, les Pauliniens se voient suspectés d'idées islamiques par l'empire de Byzance.
Devant l'ampleur de la propagation de l'hérésie, les papes Innocent III puis Grégoire IX décident de moyens pour endiguer puis réduire le développement hérétique chez les bosniaques slaves. Rien n'y fait vraiment. L'Eglise, en s'imposant comme force suprême dans la vie socio-religieuse, comme dans son prolongement spirituel, se rend fortement impopulaire face à la tolérance de son antagoniste. Ainsi, dans les pays d'Europe, l'organisation hérétique se calque sur l'original des pays slaves et ce, avec succès, jusqu'au milieu du XVe siècle.
Rien de très précis ne filtra jamais jusqu'à nous sous forme d'écrits formels.
Il ne peut manquer d'y avoir d'étranges analogies de doctrines entre les deux mouvements pour qu'il n'y ait jamais de connivence étroite ou origine du mouvement émanant des influences de l'autre. De fait, la venue des Balkans du pape Niquinta, prêchant le dualisme, fut décrite par le procès-verbal de la réunion des Cathares et de leurs évêques à St Félix de Caraman, en 1167.
Conrad, légat du pape en France en 1223, rend compte : « Les hérétiques ont un pape qui habite aux confins de la Bulgarie, de la Croatie et de la Dalmatie», ce pays qui n'est autre que la Bosnie ! Ce personnage, apparemment reconnu des Albigeois, dépêche un représentant à Toulouse. Belismanza, anathématisé en 1221 par le synode serbe, se trouve ainsi chef spirituel des Cathares italiens et pourrait de ce fait être cet «antipape»... Ceci étaie formellement l'importance de la Bosnie, «phare» des doctrines cathares d'Europe du sud.
Les Bogomiles tiennent en haute estime la lecture et l'enseignement des Evangiles. Ils font souvent appel aux apocryphes afin que soit accessible et compréhensible l'enseignement spirituel diffusé au peuple. Ces apocryphes mettent souvent en scène l'Ancien et le Nouveau Testament et traitent essentiellement de l'avenir de l'homme, du ciel et des enfers.
Il est vrai que tous les écrits ne furent pas originaires des Bogomiles. Beaucoup étant anonymes, souvent ils sont d'office attribués à des apôtres ou martyrs chrétiens et apparaissent sous forme d'actes, visions, évangiles et jeux de questions-réponses. Le plus répandu est le «livre secret» relatant la scène et la discussion de Jean, apôtre, questionnant Jésus. Ce dernier lui rapporte ce que fut l'univers dans son éternité divine et sa comparaison avec le monde de l'époque. Il lui explique qu'à sa deuxième descente sur terre il sauvera les justes et précipitera dans les feux éternels le mal et ses représentants, rétablissant ainsi le royaume de la lumière après avoir mis fin aux ténèbres dans lesquelles nous errons...
Le livre s'achève sur un monde sans chagrin ni douleur.
«Dieu essuiera toute larme de leurs yeux et le fils régnera auprès de son père dans les siècles des siècles.». «Ce livre secret» est connu sous les versions de Vienne et de Carcassonne.
«La mer de Tibériade» est un autre ouvrage présentant Dieu et Satanaël créateurs du monde. Ce livre relate qu'il y avait seulement deux éléments au début du monde : dieu, en l'air, en haut, et en bas, une mer dite « l'autre élément ». Dieu voit un oiseau sur cette étendue d'eau. Satanaël est cet oiseau. Il demande à l'oiseau d'aller au fond des mers récupérer de la poussière... pour en faire la Terre. Il est question du combat de Dieu et de Satanaël, de l'origine de l'homme, de son passage au paradis et du fruit que lui fit manger Satan...
Il est encore question des liens entre le démon et l'homme chassé du paradis et du salut de la race humaine grâce à la venue du Christ une seconde fois sur terre…

LE COMMENCEMENT DU MONDE

Dieu appelle Satanaël le premier archange qu'il crée... et qui se révolte bientôt contre l'autorité divine. Michel, resté fidèle, chasse le malin et ses légions hors de la sphère céleste... Certains restèrent en suspension dans les airs, d'autres churent à terre. Les derniers, enfin, s'engloutirent dans les eaux. Dieu se reposa le septième jour après avoir durant six jours créé toutes choses et créatures puis Adam et Eve sur terre.
Il leur donne l'Eden en leur recommandant de ne jamais consommer les fruits de l'arbre de la connaissance afin de ne pas sombrer dans le péché. Satan, après avoir planté la vigne, prend la forme du serpent et invite Eve à manger la pomme. Eve la mange... Adam se rappelle trop tard l'ordre divin... la pomme s'arrêtant dans sa gorge sur l'instant… Adam et Eve sont condamnés à être jetés hors du paradis et descendre dans la génération. La sentence divine punira le serpent à ramper éternellement sur son ventre. L'homme est ! Son esprit est originaire des anges et sa chair de terre... L'histoire reste cependant inachevée.
La tentation d'Eve est relatée dans le «Livre Secret». Pour les Bogomiles, l'arbre du péché est la vigne libérant l'esprit. Les textes bogomiles reprennent souvent la chute des archanges, que l'on retrouve au fil du célèbre livre d'Henoch et du précédent «La Mer de Tibériade», en réalité « lac de Tibériade ». Cette légende du commencement du monde est traduite d'un manuscrit de la bibliothèque nationale de Ploudiv. Etant donné la langue utilisée, il est indéniable qu'elle fut écrite en Bosnie.
Les Bogomiles, héritiers des Manichéens, soulignent les contradictions des Ancien et Nouveau Testaments. Rejetant dans l'Ancien Testament les écrits de Moïse inspiré, d'après Mani, par Satan, relatant un dieu hypocrite, violent, protégeant meurtriers et voleurs, ce qui contrastait terriblement avec celui du Nouveau Testament où Dieu n'est qu'amour, pardon et espérance.
En Yougoslavie, l'esprit bogomile est encore tenace et se devine en filigrane au travers des personnalités de l'art et de la culture : poètes, écrivains, musiciens... Il y est encore possible de discerner la tradition primordiale, celle de l'esprit et de la lumière... En est-il de même en notre beau pays de France qui se targue d'être terre d'hospitalité pour tous les déshérités de l'âme, du coeur ou de l'esprit ? Pourrons-nous encore, honnêtement, impartialement, rechercher les parallèles entre diverses doctrines aboutissant finalement à la pure vérité ? Nous autres, «champions des causes perdues», en nous tournant vers notre passé, notre histoire... le pourrons-nous encore?...

Seconde partie : Leur foi et la région lyonnaise

L'Inquisition ayant détruit la plupart des livres cathares, c'est à la lumière de quelques documents, rescapés miraculeusement, et de ceux laissés par les Inquisiteurs que les historiens ont réussi, autant que possible, à pénétrer la pensée cathare. Mais l'Inquisition, à n'en pas douter, était partiale, et la vérité, à travers leurs textes, s'en est souvent trouvée déformée.
Bien que le Catharisme ait emporté dans son massacre beaucoup de ses secrets, il nous est toutefois permis, grâce aux nombreuses études effectuées par des chercheurs sérieux, de nous représenter ce que fut le cheminement spirituel de ceux que l'Eglise désignait sous le nom de Cathares, et que le peuple appelait «Bons Hommes», ou encore «vrais Amis de Dieu».
Il existait deux Eglises pour les Cathares : l'Eglise bénigne du «Dieu unique et bon» et l'Eglise maligne (l'Eglise Romaine) du Démon. Cette dernière ne pouvant prêcher que le mensonge, ils rejetaient donc l'Ancien Testament et la Loi de Moïse, «l'homme abusé par le Diable», mais acceptaient les Evangiles, avec une vénération particulière pour celui de Saint Jean qui reconnaissait en Jésus, comme eux, un être de lumière envoyé du Logos, Verbe lumineux sacré.

La doctrine cathare

De tradition dualiste, cette doctrine fortement imprégnée de gnosticisme et de manichéisme repose, évidemment, sur la croyance en deux principes : le Bien et le Mal.
A ce sujet, il semble qu'il y ait eu chez les théologiens cathares des «dualistes absolus» et des «dualistes mitigés». Sans chercher à entrer dans le détail, il convient simplement de dire que, pour les «absolus», les deux principes sont éternels… le Bien et le Mal ont toujours existé. Le Démon, s'étant introduit dans le royaume lumineux de Dieu, corrompt des anges et les entraîne dans le monde de la matière et des Ténèbres. Pour les «mitigés», seul le Bien a toujours existé, le Mal et la matière ayant été créés par un ange déchu. Cependant, il n'a jamais été rapporté que ces légères divergences d'opinion aient soulevé des discussions au sein de la communauté cathare. Et moins encore parmi les croyants, très certainement incapables de saisir de telles nuances. Penchons-nous donc sur la doctrine. La terre (monde matériel et sensible) ainsi que l'homme, créature de chair, sont créations du Diable. Mais, ce dernier, incapable de donner la vie, attire vers lui par ruse les âmes du Ciel, créées par Dieu, qu'il emprisonne dans une vile enveloppe charnelle.
Dieu, qui est toute pureté, bonté et Sagesse, n'est cependant pas tout-puissant, le Mal ne devant être vaincu qu'à la fin des temps. Il ne peut avoir aucun contact avec le Mal et le monde du Prince des Ténèbres, c'est pourquoi il envoie son second fils Jésus (le premier ayant été Satan), avec mission d'enseigner aux âmes déchues le chemin du retour dans leur monde de lumière. Notons au passage que le Christ n'est point l'égal du Père, il n'en est qu'une émanation. Il n'y a pas non plus un Dieu en trois personnes : le Fils et le Saint-Esprit, tous deux descendus sur terre, procèdent également de Dieu. Le Christ n'a jamais eu de corps matériel, la Vierge ne lui ayant donné naissance qu'en apparence car elle était un ange ayant pris les traits d'une femme.
On peut objecter que, de ce fait, la croix du calvaire ne doit pas être vénérée ; elle inspire même de l'horreur aux Cathares. Les Cathares admettant que le corps du Christ était immatériel, il est troublant de constater à quel point la crucifixion leur faisait horreur. Pourquoi y attachaient-ils donc une aussi grande importance si Jésus n’avait pas vraiment souffert ?
Ainsi, tous les objets que l'Eglise considère comme sacrés sont produits du Malin : images, médailles, statues, reliques... Et les saints, serviteurs de «l'Eglise maligne», sont ses créatures. Les Cathares, pourtant, respectent les prophètes et les Apôtres sur lesquels descendit l'Esprit Saint de la Pentecôte.
Le Démon reconnaissant le Message divin, cherche à le faire mourir : mais ce n'est là qu'une vision qui abuse les ennemis de Dieu. Le Christ ayant accompli sa mission est simplement retourné auprès du Père. Son Eglise (l'Église Cathare) garde en elle l'Esprit Saint et console les âmes égarées.
C'est alors que, pour détruire l'oeuvre de Jésus, le Prince du Mal élève une fausse Eglise qu'il nomme Chrétienne : l'Eglise de Rome. Il en découle donc que tous les sacrements provenant de cette «Eglise du Diable» sont sans aucune valeur et n'apportent point le salut. La matière étant impure, l'eau du baptême, les saintes huiles ou l'hostie ne peuvent véhiculer l'Esprit !
Ces dogmes, et particulièrement ceux ayant trait à la Trinité, l'Incarnation, la Passion et la Crucifixion, choquèrent bien évidemment les Catholiques ; mais, ce qu'ils reprochaient par dessus tout aux Cathares c'était la négation pure et simple de leur Eglise. Une Eglise qui s'était éloignée de ses fidèles par la faute de ses prêtres, ignorants pour la plupart, ou plus préoccupés par le temporel.
Le peuple, lui, aspire à une spiritualité vivante ; il cherche des guides qui exalteraient la foi, qui donneraient l'exemple et seraient plus proches de lui. Et les Parfaits Cathares répondent à tout cela. Ils se disent héritiers d'une tradition bien plus ancienne que celle de l'Eglise romaine, basée sur «l'enseignement des Apôtres.» Et il semble, qu'en partie du moins, ils aient été dans le vrai : «le rituel cathare, dont nous possédons actuellement deux textes datant du XIIIe siècle, montre que cette Eglise possédait sans doute des documents fort anciens, directement inspirés des traditions de l'Eglise primitive (lire ‘Le Bûcher de Montségur’ -Grasset- de Zoé Oldenbourg)...
En effet, les Cathares apportent aux fidèles le Christ de l'Evangile. Le Livre unique, vrai, qu'ils rendent accessible à tous en le traduisant en langue vulgaire. Et l'attitude de l'Eglise Catholique, qui refuse que soient traduits du latin les livres sacrés, devait encore favoriser, dans le Midi, l'expansion du Catharisme.

La réincarnation

Si, à la fin des temps, le Mal est définitivement vaincu et toutes les âmes errant encore sur terre retournent vers Dieu, elles doivent accomplir, ici-bas, une longue épreuve à travers plusieurs vies humaines. La mort n'est que le passage d'une vie à une autre, et la dépouille, corps de boue, oeuvre du Diable, retourne, sans cérémonie, sans cercueil, à la terre. Mais, de préférence, hors des cimetières catholiques. L'âme ne quittant le corps qu'après trois ou quatre jours, les Parfaits, pour la guider, demeuraient tout ce temps auprès du mort.
L'Enfer, tel que se le représente à cette époque l'Eglise Catholique, n'existe pas pour les Cathares. L'Enfer, c'est la dure épreuve que l'âme, au cours de ses vies successives, subit en ce monde de ténèbres pour trouver le salut. En résumé, la réincarnation est donc un long supplice qui ne cesse que lorsque toutes les âmes célestes retrouvent le chemin salvateur de la lumière menant à Dieu.

Sur ce principe, les Cathares reconnaissent la doctrine hindoue de la métempsycose et du karma. Les justes peuvent se réincarner dans un corps chaque fois plus propice à leur élévation spirituelle, jusqu'à atteindre à la perfection, retrouver leur corps spirituel et rejoindre leur patrie perdue. Par contre, les méchants et les criminels reviennent dans un corps avili par des vices, des tares héréditaires ; parfois même dans un corps animal. C'est pourquoi tuer, homme ou bête, est un crime grave, car en interrompant avant l'heure la pénitence d'une âme, on retarde ses possibilités d'accéder à une vie meilleure et sa réconciliation avec l'Esprit.
Voilà l'une des deux raisons pour lesquelles les Cathares ne mangeaient pas de viande ; l'autre étant que la chair était de nature impure. Ainsi, toute nourriture provenant de la procréation, oeufs, lait et les produits à base de lait, ne pouvaient être consommés.

En conclusion, la réincarnation apporte aux croyants cathares plus qu'un espoir, la certitude d'une rédemption à plus ou moins brève échéance. Bien qu'ils se sachent incapables de jamais atteindre la perfection des «Bons Hommes» qui, par amour et esprit de sacrifice, acceptent de redescendre du Ciel dans l'abominable monde de la matière pour aider à l'évolution des âmes demeurées en arrière, ils se sentent libérés de l'angoisse du péché car il leur suffit de vouloir le Bien. D'autre part, la théorie des réincarnations met riches ou pauvres, seigneurs ou vilains, hommes ou femmes, sur un même pied d'égalité. Elle abolissait aussi tout esprit de supériorité chez ceux qui, dans la vie présente, se trouvaient appartenir à une classe sociale élevée.

Les Vaudois ou « Pauvres de Lyon »

C'est à la même époque que le Catharisme que les Vaudois venus de Lyon s’installent en Languedoc. Cette secte évangélique, très proche du Christianisme orthodoxe, qui ne représente pas une religion nouvelle, est cependant, pour son anticléricalisme, classée hérétique par l'Eglise. Les Vaudois eurent un assez grand nombre de fidèles en terre Occitane et partagèrent, au temps de la Croisade et de l’Inquisition, le sort des Cathares.
En 1160, Pierre Valdo, un riche marchand de Lyon touché par la grâce, décide de vivre comme les Apôtres. Il quitte femme et enfants en leur laissant la moitié de ses biens, distribue l'autre aux pauvres et s'en va par les routes porter au petit peuple la bonne parole.
Il fait bientôt de nombreux adeptes parmi des laïcs, comme lui : hommes et femmes qui l'accompagnent dans sa vie errante et dans ses prêches. Valdo et les siens y commentent à leur manière les Saintes Ecritures (ils ont pour l'Ancien et le Nouveau Testament le plus profond respect), mais ne se privent pas de critiquer les «mauvais bergers» de l'Eglise, corrompus par l'argent. Bien que différant entièrement des Cathares dans leur croyance, ils ont avec ceux-ci, sur certains points, des opinions communes.
Aussi, refusent-ils les sacrements du baptême des enfants, l'Eucharistie, et ne croient-ils pas, non plus, à la Communion des Saints. Comme les Cathares, ils n'ont pas d'Eglise et se divisent en croyants et initiés qui reçoivent l'Esprit par l'imposition des mains. Comme les Cathares, enfin, ils ne connaissent qu'une prière, le Pater, ne font jamais de serment, condamnent le mensonge et vivent pauvrement.
Déclarés hérétiques en 1184, ils sont chassés de Lyon par l'archevêque de la ville, Jean de Belles-Mains. Poursuivant leur mission évangélique, les Vaudois gagnent la Lombardie et le Languedoc.
Venu le temps des persécutions, ils affronteront la mort avec le même courage que les Cathares. Réfugiés en Savoie et en Piémont, les rescapés des massacres deviendront protestants durant la Réforme.

Lyon et le Catharisme ?

Le Catharisme est essentiellement un phénomène social, politique et surtout religieux dans le Sud-Ouest de la France où il prend toute l'ampleur que nous lui connaissons aujourd'hui.
Il est un peu moins connu en Champagne, dans la Marne, où là aussi pourtant il se répand de façon notoire. Là encore, on assiste aux terrifiantes persécutions, horreurs et désolations. Le triste phénomène, une fois de plus, laisse le souvenir d'hommes, de femmes n'opposant à l'intolérance et à la brutalité que leurs foi, tolérance et manifestations de l'amour du prochain.
Il est dit que du château de Mont Wimer, Fortunatus, un manichéen chassé par St Augustin, convertit le prince Widomar et que « la secte s'est propagée dans les différentes parties de la terre »... Une tradition raconte qu'avant Montségur, en 1239, se déroule un autodafé au mont Wimer où 180 cathares choisirent la mort par le bûcher plutôt que d'abjurer leur foi. 180 morts déjà !... 5 ans plus tard, il y en aura 200 à Montségur.
Les célèbres foires de Champagne véhiculent déjà les idées généreuses... Allemagne, Flandres, Angleterre, Champagne, Orléanois, Languedoc, Piémont, Bulgarie... Les origines et les modes de pénétration du Catharisme sont connus par les témoignages et chroniques ainsi que par la relation des ‘questions’ appliquées.
Les sites fortifiés, immobiles et glorieux souvenirs d’événements majeurs, subirent des remaniements débouchant irrémédiablement sur l'oubli, ça et là émaillé de quelques bribes de souvenirs délaissés.
Quant aux écrits, Déodat Roché les disait « montagnes plus hautes que les Pyrénées mêmes » ... Certes, ces documents sont inépuisables … mais hélas d'une seule origine. Et nous devons, en la matière, apprécier l’anachronisme qui fait que le Catharisme n'est connu qu'à travers les écrits de ses destructeurs. Les seules bases qui nous restent sont les procès d'Inquisition, les chansons de la croisade, teniers et registres paroissiaux ou de notaires royaux... Et il nous faut un travail de fourmis, une patience inconcevable pour mener à bien la moindre recherche ; bribe après bribe, mot par mot, pour finir par retrouver parfois une trace terne... un pas sur le chemin.
Combat de l'absurde se traduisant par des tonnes ‘d'écrits’ d'un côté contre trois seuls documents de l'autre. Les uniques pièces cathares écrites, d'origine indiscutable, sont au nombre de trois... Un traité cathare du début du XIIIe siècle, découvert à la bibliothèque de Prague par le père A. Dondaine ; Le manuscrit A 6.10 de Dublin de la ‘Collection Vaudoise’, publié par le Pr Th. Keeler ; et enfin ‘Novim Testamentum’ (Bible cathare) de la bibliothèque de la ville de Lyon.
Trop peu de choses, peu d'études sur cette pièce unique, de valeur inestimable, qui ne laissa pas indifférents certains rares chercheurs. « Bernard Ydras, lié d'amitié avec les frères Prêcheurs, se vit commander par Pierre Valdo, chef de la secte des Vaudois, les premiers livres de la bible en langue romane ». Ce fait est rapporté par Échard, historien dominicain et relaté par Etienne de Bourbon dit de Belleville. Puis Marguerite d'Oingt en relatera l'existence dans ses écrits pour en trouver une autre relation dans la thèse de Miss Scheels, anglaise étudiant « tout ce qui se rattache à la secte des Vaudois »...
L. Clédat, professeur à la Faculté de Lyon, propose enfin, en 1887, la reproduction complète et sa traduction de cette pièce de bibliothèque. Il en parle en ces termes :
« Ce précieux et unique manuscrit renferme une copie de la traduction en langue romane du midi (langue d'oc) du nouveau testament, traduction faite au commencement du XIIIe siècle pour l'usage cathare ou Albigeois, à peu près à l'époque où les croisades contre ces sectaires sont dans leur première ardeur.
Le document présente un texte, sur parchemin à deux colonnes, tracé en caractères mixtes de la seconde moitié du XIIIe siècle, orné de lettres capitales colorées en rouge et bleu. Il offre les évangiles de St Mathieu, de St Marc, de St Luc, de St Jean, les actes des Apôtres, l'Apocalypse, les épîtres et un rituel cathare comprenant (en 13 pages) un acte de confession, un acte de réception d'un catéchumène, un acte de réception d'un croyant au nombre des élus (Bons Hommes), des règles pour la prière et un acte de consolation. Toutes ces pièces ont une réelle importance comme archive à consulter avec fruit pour l'histoire de l'ancienne langue provençale, celle des variations de la Bible, l'histoire ecclésiastique et la connaissance des pratiques et croyances des Albigeois ».
L'abbé de Sauvages, au XIIIe siècle, le consultait pour son dictionnaire languedocien-français. En 1835, F.F. Fleck en relate une étude allemande. Enfin, ce manuscrit fut donné à la bibliothèque du palais St Pierre de Lyon par Jean-Julien Trelis, bibliothécaire de la ville de Nîmes. Chassé de cette dernière pour protestantisme par la réaction royaliste, il se réfugia à Clermont puis à Lyon où il décède en 1831... le 24 juin !

Sommes-nous face au hasard des événements ou la prédestination des faits... mais nous nous retrouvons dans la région Lyonnaise ! C’est aussi ce secteur qui abrite le point de ralliement, début 1209, des troupes engagées par le Nord de la France pour la croisade. Il s’agit d’un exceptionnel rassemblement pour cette époque : une cavalerie forte de deux mille hommes, appuyée par près de deux cent mille hommes à pieds, le tout encadré et suivi d'une intendance à la démesure de la vague déferlante...
Cette région Lyonnaise, début de la fin, ne saurait-elle pas être également un jour la conclusion évidente de cette fabuleuse épopée... et voir se réaliser un juste retour des événements. On pourrait douter que quoi que ce soit ait lieu en matière de mémoire ‘catharisante’. Si Lyon possède, dans la plus grande indifférence, un document unique en la matière, il est possible de trouver d’étranges indices, tendant à disparaître, à peu de distance au sud. Et c’est ainsi que, çà et là, on trouve dans la région du Pilat, aux confins du Jarez, d'étranges légendes, récits, chroniques ayant échappé à l'attention des chercheurs... D'étranges ‘boné-gens’ (bonnes gens) circulant, colportant leur connaissance, leur parole, leurs soins aux plus pauvres. ‘Des gens de Toulouse’ se cachent dans quelques châteaux, fermes, castels de l'étrange famille de Roussillon dont on ne sait, en fait, rien sur ses origines... Des tombes à motifs discoïdaux, des caves de réunions où s'enseignait le véritable Dieu... Et ces testaments, dernières volontés, s'achèvent par « et mener notre vie à sa bonne fin »… comme l’a écrit une certaine dame Béatrix de Roussillon ! Légendes de ‘croix tracées au sang humain’ pour rester éternelles... Vrai? Faux? La mémoire, elle, est restée indélébile et tenace, vrai défi au temps et à l'oubli... « Des recherches, des travaux, des écrits surgissent et apportent à la lumière des éléments nouveaux... » mais, de ces éléments retrouvés, qu’en feront nos ténors ?

Source : http://www.france-secret.com/