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Loge de Recherche Laurence Dermott

Rechercher dans la Fraternité et la Tolérance.

Naissance - Vie - Mort ou les trois pas du Maître

Publié le 26 Septembre 2013 par W\ L\ in Planches

Dans les trois pas au-dessus du cercueil d’Hiram qu’accomplit le compagnon lors de son élévation à la maîtrise est symbolisé le couronnement d’une Maîtrise affirmée. Mais quel sens donner à cela ?

La naissance : Nous donnons naissance, par l’initiation, à une création d’un nouveau nous même. Elle est l’occasion de sonder les profondeurs les plus intimes de soi dont saint Jean nous encourage à en rechercher tout l’Amour.

Entre la naissance, la vie et la mort. Trinité troublante à laquelle il faut se résoudre si l’on veut découvrir en maçon la raison d’être de notre Ordre en tant qu’œuvre créatrice universelle. Mais comment véritablement expliquer les trois pas du Maître ?

La naissance par l’Initiation, c’est le mystère de l’apprenti qui se découvre lui-même et qui le communiquera au Compagnon qu’il sera. Ce compagnon est identique. L’une de nos grandes Lumières, La Bible, le confirme, la vie nous est donnée car nous avons été engendré et non pas créé tout en étant de la même nature que le Père.

Il y a dans le secret de la vie le mystère qui appartient à l’essence de notre Ordre, désignant le temps de la parole. Il faut du temps à la parole pour venir, ce qu’elle dit est appris, dans une écoute du monde et d’autrui lors de notre période d’apprentissage, ce qu’elle dit doit trouver son chemin à l’intérieur de nous par le filtre que nous sommes devenu. C’est un peu de ces chemins que je vais tenter de parcourir.

La vie : En comprenant l’homme à partir de la Vie, de la seule et unique Vie qui existe et qui est celle que le GADLU. En donnant sa vie à chaque initié comme il l’a donnée à Hiram, a conféré à chacun de ses Fils de la Veuve une destination propre à chacun. Mais qui se complète et forme un tout quand nous formons la chaine d’union.

L’initié diffère d’Hiram en ceci qu’il ne s’est pas mis lui-même dans la condition qu’était celle d’Hiram et qui était de s’éprouver soi-même jusqu'à la mort. Et pour autant par la cérémonie cette transposition s’accomplisse et que l’initié par lui-même simule il deviendra le Fils dans le Fils. De cette incapacité de l’initié de vivre de lui-même et en soi cette mort, témoignent de la paralysie face à la mort qui marquent toute sa vie d’un trait indélébile et qu’il s’exprime par son second pas. C’est uniquement parce que cette épreuve s’accomplit hors du monde qu’elle peut être épreuve de soi. C’est seulement dans l’invisible que vivre est possible.

Selon St. Jean, Dieu est Vie. Invisible donc, comme tout ce qui, portant en soi cette Vie, se trouve ainsi être vivant. La première est qu’aucune vie n’est possible sans un autre être vivant, de même qu’aucun vivant n’est possible sans la Vie. Cette appartenance réciproque de la Vie et du vivant est immuable. Elle résulte de la façon dont la vie vient en soi dans le procès de son auto génération éternelle.

Le présent n’est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens et des étapes, le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre et nous aspirons toujours à être heureux, et il est inévitable que nous ne le soyons jamais compétemment.

Nous sommes toujours hors de nous dans la recherche de ce qui, au dehors, doit nous libérer de nous-mêmes, toujours en dehors du présent que nous ne pouvons supporter. Nous vivons sans le savoir aux abonnés absents.

La question concerne chacun dans la partie la plus intime de nous. Angoisse, impuissance et révolte minent irréductiblement les bases de nos vies, mais elles ne sont pas pour autant insensées. Elles balisent un chemin, un chemin de vérité sur soi-même dont les épreuves peuvent se révéler libératrices. Nous ne savons pas, en effet. Ce qu’à en tête le GADLU, quand notre image réfléchie dans le miroir du 1er et 2ème grade et que nos frères nous tendent pour progresser dans la recherche de la Vérité.

Le présent ne prend corps que sur fond d’un avenir possible. Il n’est pas assez riche en lui-même pour se tenir par lui-même. L’avenir impossible disqualifie le présent dans lequel nous sommes pourtant vivants et bien vivants. Le présent ne tient que par le futur. Il en va comme si nous étions séparés de cette source présente de la vie. Il faut à tout prix qu’elle trouve consistance à travers la représentation d’un avenir possible. Pourtant la vie est là et bien là, tant que nous vivons.

L’avenir, mais le passé aussi, perd sa signification, si nous nous sommes battus, si nous avons travaillé, souffert pour disparaître, à quoi bon ? La révolte gronde contre l’insensé. L’impuissance révoltante dans la quelle nous nous trouvons et qui accompagne la conscience de notre mort, ne se comprend que sur le fond d’une compréhension du temps et de soi. Il ne semble qu’il n’y ait pas d’autre alternative à la maîtrise de son avenir ou à la mort, symbolique ou réelle.

La mort: C’est l’étrangeté absolue. Que peut-on en penser ? La diversité contradictoire des réponses, comme la résurrection, réincarnation, etc., dévoile une résistance incontrôlée. Car on ne peut savoir ce qu’il y a après.

L’esprit s’y brise, impuissant et pressent sans se l’avouer l’inutilité des représentations dans ce fouillis de significations que l’on perçoit dans les diverses interprétations que s’en font les Sœurs et les Frères.

Le récit de la légende d’Hiram témoigne d’une nouvelle manière de vivre le présent. Le présent se suffit à lui-même. Le présent ne se justifie pas obligatoirement d’un avenir possible. Il se peut que se soit le présent qui structure l’avenir et le passé. Il est des expériences présentes qui donnent au passé et au futur leur consistance. Telle est l’expérience mystique, l’expérience amoureuse, la création artistique. Moments qui se suffisent par leur richesse pour irriguer subrepticement passé et futur de significations nouvelles. Le temps se mets en perspectives : le passé préparait le présent ; le présent oriente l’avenir.

Dans cette perspective, l’angoisse suscitée par la pensée de la mort manifeste le vide de notre présent. L’initié se projette d’autant plus dans le futur et le passé que son présent lui échappe. Les impasses que nous traversons obligent à remanier, malgré nous, notre temps vécu, goûter la richesse du présent. De notre rapport corporel et immédiat au monde. L’épreuve suscite ainsi une nouvelle manière d’être. C’est à ce prix qu’une épreuve peut être décisive. C’est là quelques réflexions qui, au cours de mon histoire personnelle, m’ont suggéré une certaine proximité, une certaine urgence de la mort. Le profit, s’il en est un, est de fournir à l’un ou l’autre, initié mortel lui aussi, l’occasion de se situer par rapport à sa mort, d’entendre en lui-même : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ». Et cela pour être initié, en est la vérité de sa condition.

La conscience de sa mortalité dans la vitalité contribue à sa place à un art de vivre authentiquement. Elle permet de dire non seulement « tous les hommes sont mortels », mais « je suis mortel ». Grâce à elle chacun réalise mieux dans le quotidien de ses jours sa limite.

La mort est ce qui caractérise celui qui ne peut plus répondre à l’appel de son nom. S’il y a une suite dans l’histoire d’un initié, comme dans celle de tout homme, il faut plutôt se la figurer tel un enchaînement imprévisible d’événements, qui déconcertent tour à tour ou émerveillent. Ce qui est sûr, c’est que l’initié ne peut échapper à sa transformation, à moins de ne plus rechercher la vérité. Aussi bien, on s’en doute, si la vérité ne s’arrête pas, comme l’initié à la mort car « la vérité demeure et Franc-maçonnerie traverse les temps et les générations ».

Le désir conduit l’initié plus loin que la mort parce que le désir chez lui s’est transformé en amour. Pourtant, l’initié n’a pas le privilège d’une telle transformation du désir en amour. Le non initié, lui aussi, en fait l’expérience. Alors nous consentons à ce que notre désir ne vive que de l’autre, et même de la volonté, éprouvée comme un bonheur, que présent ou absent, l’autre soit là. Car aimer autrui, au sens que nous venons de dire, ne peut être isolé de l’acte par lequel je m’aime moi-même. Mais l’initié traite ce vœu d’une façon qui n’est pas celle du non initié.

Pour le non initié, l’évitement de la mort qui tue se suffit à lui-même : il n’est à aucun titre un signe. Pour l’initié, au contraire, alors que pourtant la mort continue à régner sur l’existence des hommes, l’amour devient le signe mystérieux que la mort est défaite : la chaire quitte les os. C‘est donc une mission que le Maître reçoit et accepte avec d’autres et pour d’autres depuis le début de ces trois pas, vécus comme un exode intérieur, qui commence par le cabinet de réflexion et où je retourne régulièrement mentalement.

Le cabinet de réflexion est toujours là, au plus profond de moi, pour m’y replonger régulièrement dans le silence et où le Vitriol est celui du Corps d’Hiram et qu’il s’est donné dans sa mort et sa résurrection par l’acacia. Ainsi, la relation mystique s’élargit dans une dimension universelle, « je » est devenu « nous ».

« On ne voit bien qu’à deux, mais que Tu sois cet Autre Nous menant dans sa disparition jusque dans cette tombe improvisée (Hiram au corps éparpillé, recomposé par Isis, veuve dont nous sommes les fils) ».

C’est là que j’ai trouvé et vécu la véritable solidarité, celle faite des Sœurs et des Frères maçons, dans l’univers d’alliance, je peux espérer passer au delà du « je ».
Du côté des hommes aussi, car que sais-je de ma nuit ? Il y a peut-être en elle un « nous » enfoui... un nous recomposé dans l’Homme épars dont nous parlons en loge. Les trois pas du maître où la différence de la mort profane de celle rituelle.

Cessant d’être des objets à posséder, le Maître devient pour lui appel à reconnaître qu’il ne peut rien ramener à lui. Il n’est centre ni de l’univers, ni de la société, ni de son couple, ni même de sa propre existence. Sachant cela et cessant de se faire centre par son désir toujours frustré, il manifeste la conversion de sa liberté par la « distance » libératrice qu’il garde à l’égard de tout, de tous, et surtout de lui-même. C’est en ce sens qu’on peut parler de « mort à soi-même ».

Mais ce n’est pas la mort de soi-même ; c’est celle de L’égoïsme et des prétentions, c’est la condition de l’adhésion à la véritable vie. C’est le contraire d’un désengagement par rapport aux « choses de ce monde », car on ne meurt ainsi à soi-même qu’à travers ses relations au monde et aux autres.

L’amour de l’Autre n’est alors vécu que dans le refus de la possession et de la domination. Créant, libérant, utilisant la part de richesse et de savoir dont il se sait responsable, celui qui vit répond aux appels d’autrui reconnus comme appels de l’Autre. Il est certes submergé, mais c’est l’amour de l’Autre qui le submerge et il se sait « aimer », car l’amour est au bord du chemin mais il n’est pas vu et même souvent négligé.

J’aurais dû être plus compréhensif. Je sais bien, en effet, pour avoir à le vivre, qu’il faut de la patience et du temps pour défaire les nœuds qui nous maintiennent prisonniers. Pas seulement les nœuds de l’orgueil, de l’égoïsme ou des pulsions charnelles, mais les nœuds de l’esprit qui se nouent dans l’imagination de celui qui cherche.

Le maître par ses trois pas lents, refuse de s’embarquer trop vite sur des chemins dont il pressent les embûches. Peu désireux d’abandonner ce qu’il a cru déjà comprendre, il hésite à intégrer un nouvel élément qui le contraindrait à tout remodeler. Ce n’est pas nécessairement de la peur. C’est peut-être aussi de la prudence, car il est trop sérieux pour s’aventurer dans un désert sans boussole. Il lui faut du temps pour s’équiper avant de faire un pas décisif.

L’Amour est discret. « Il attend ». Et nous passons dans la vie sans deviner sa présence tellement nous sommes distraits et occupés de nous-mêmes. Sur le chemin qui mène vers sa découverte, la grande souffrance, qualifiée de nuit des sens et de l’esprit par l’initié, n’est pas un fantasme. Celui qui s’aventure sur ces chemins le sait quand les grandes eaux le submergent. Jusqu’à l’anéantissement parfois. C’est au fond de cet abîme que l’initié est le plus proche du non initié, en même temps que le plus éloigné, ayez une pensée mes Sœur et mes Frères pour ce prisonnier que je suis, abandonné de tous, à la veille de son exécution ?

Entre l’initié et le non initié, la différence n’est pas une différence de sentiments, car on peut vivre la maçonnerie au cœur du doute.

On ne prouve pas l’absence du GADLU. On ne prouve pas non plus sa présence. Mais on peut éprouver très réellement l’une et l’autre.

A partir de là, peut-être, votre sentiment de solitude qu’il serait abusif d’attribuer à une « exclusion » voulue, mais qui recouvre fatalement une souffrance. Vous êtes sûr d’être seul et, selon moi, il ne s’agit pas seulement de l’éloignement des Sœur et des Frères.

Vous êtes sans doute plus seul que vous ne croyez. Pour ma part, je suis sûr de n’être pas seul et ce n’est pas seulement grâce à mes Sœur et mes Frères. J’ai vécu seul dans mon esprit, dans les pires conditions. Mais je n’ai jamais été seul vraiment. A mes yeux, la différence est cependant réelle. Je ne suis maître de rien et surtout pas de moi-même. Je me sais libre et responsable, mais je ne détermine que peu ce dont je suis responsable. Les occasions, les rencontres, l’action des autres, les événements aussi hasardeux soient-ils, me commandent.

Alors, aujourd’hui, j’essaie de retrouver cette attitude d’acceptation positive en vivant pleinement le jour qui passe, en acceptant de ne pas savoir ce que sera mon lendemain, tout en le préparant de mon mieux, c’est ce que j’appelle l’espérance. J’essaie de vivre la fraternité pour aller à la rencontre de l’Amour absolu. Je suis conscient de ma fragilité, mais fragilité n’est pas impuissance. Le dépouillement n’est pas forcément signe de mort. Il peut être l’occasion d’une vie plus intériorisée.

C’est une difficulté qui peut être source d’un bien. J’ai là l’occasion de creuser mon sillon, d’approfondir ma quête initiatique. Le temps qui passe m’invite à réfléchir sur mon propre parcours. Si je le fais dans l’honnêteté de la lucidité, je deviendrai plus indulgent pour les autres ET surtout pour moi même. J’accéderai à la possibilité de me pardonner au lieu de réchauffer les vieux remords. Un vrai pardon, qui dit oui à la vie de toutes ses forces.

Le cercueil déposé au pied de l’Orient est une invitation à se mettre en route vers l’amour, plutôt qu’une réponse. Le sage, le vieux sage, est donc en route dans son propre chemin, qu’il débroussaille peu à peu en marchant vers sa mort, dans l’espérance que ce jour-là le GADLU aura du talent.

Mais, au regard de la Franc-maçonnerie, l’élan de croissance de ma condition humaine n’est pas brisée par la mort, non parce que je vais renaître une énième fois pour continuer à croître, mais parce que, à ce moment-là, je ne suis pas abandonné à moi-même. GADLU est présent, comme il l’a été tout au long de ma vie. Et c’est seulement dans le cadre de cette relation entre le GADLU et moi que je peux espérer réaliser la plénitude de mon potentiel, ce potentiel dépasse d’ailleurs largement tout ce qu’il peut imaginer, puisqu’il est créé à l’image de Dieu qui est Amour. Il est donc d’ordre relationnel, de l’ordre de l’amour. Et celui qui fait l’expérience d’être aimé dans cette vie sait bien qu’en un seul instant la vie tout entière peut basculer et être transformée par la grâce d’une rencontre de la mort.

En ce dernier moment, c’est donc l’amour de Dieu, dans son sens générique du terme, librement donné et librement accueilli, qui mène l’homme à la plénitude de la vie. Venir dans la condition de s’éprouver soi-même, c’est se révéler. L’action d’auto génération de la Vie est son action d’auto révélation.

La vie vient en soi, s’éprouve elle-même, et se révèle à elle-même. Ajoutons, sans pouvoir développer ici ce point essentiel, que la révélation d’Hiram étant la révélation du Maitre, de même que la révélation du Maitre est la révélation d’Hiram, cette révélation commune, cette gloire ou cet esprit commun, est l’âme. Celle-ci procède donc d’Hiram et du Maitre que l’on pourrait aussi transposer dans le monde profane, du Père et du Fils, elle est leur intériorité réciproque existante en soi et pour soi.

Très Vénérable Maitre, j’ai dit.

Source : www.ledifice.net