Pierre Noël
La Grande Maîtrise inexistante du comte de Clermont.
La première Grande Loge de France, qui n’a rien à voir avec l’actuelle quoi qu’en disent certains, eut dès son avènement deux tares indélébiles dont elle ne put se débarrasser et qui furent cause de sa perte : la prééminence absolue de la capitale dont seuls les Maîtres de Loge constituaient l’assemblée de Grande Loge, la lutte entre Maçonnerie symbolique et organismes de hauts grades pour le contrôle de l’assemblée.
- 11 décembre 1743, élection du comte de Clermont comme « Grand Maître de toutes les loges régulières de France » (titre à lui accordé par les Statuts de 1745) par « douze maîtres » (Thory), vingt pour Naudon, contre Maurice de Saxe et le prince de Conti. L’omnipotence de fait des loges de Paris posait déjà problème !
Que sait-on du comte de Clermont ?
Qu’il est né le 15 juin 1709, à Versailles, qu’il fut porté sur les fonds baptismaux le 15 novembre 1717 par Louis XV en personne, qu’il fut tonsuré le même jour et nommé abbé de l’Abbaye de Bec-Hellouin, avant d’en recevoir d’autres et d’être enfin désigné abbé de Saint-Germain en 1737, ce qui ne l’empêcha ni de manifester précocement son goût pour les lettres ni d’accumuler les aventures féminines.
Autorisé par dispense pontificale à porter les armes, Louis guerroya en Allemagne et devint Maréchal de Camp puis Lieutenant-Général. C’est donc ce Grand Seigneur, Prince du Sang et amant d’une Mlle Leduc de grande beauté, résidant au château de Berny[1] depuis 1738, que les Francs-Maçons parisiens élirent à la Grande Maîtrise le jour de la Saint-Jean d’hiver 1743 en remplacement de son petit-neveu décédé prématurément, le duc d’Antin. Il le restera vingt-huit ans.
A peine élu, le GM aurait désiré réformer l’ordre, en 1744 (dit Naudon !), seule tâche qu’il pouvait envisager, un commandement lui étant refusé (témoignage d’un secrétaire du lieutenant de police, Morabin, le 15 mars 1744). Il obtint cependant son commandement et durant les trois années suivantes se couvrit de gloire à Furnes, Ypres, Menin, Namur et Rocour.
Ayant quitté l’armée, il se retira dans son château de Berny avec Mlle Leduc et s’y consacra à l’art, au théâtre …. En 1754, il fut élu à l’académie française.
Cela ne l’empêcha pas de rejoindre, en 1758, l’armée empêtrée dans la guerre de sept ans, et là, ce fut le désastre, Minden puis Crefeld où il fut vaincu (23 juin 1758) par une armée allemande inférieure en nombre, commandée par le duc Ferdinand de Brunswick, futur Grand Maître de la Stricte Observance. Désavoué, relégué à Berny, moqué, chansonné, Clermont épousa Mlle Leduc et vécut dans l’isolement d’une vieillesse relativement désargentée. Il connut enfin la disgrâce royale, ayant pris fait et cause pour la révolte du Parlement.
Il décéda le 16 juin 1771.
Ce Grand Seigneur s’est-il intéressé à l’ordre dont il était le Grand Maître nominal ?
On ignore où il fut initié. On sait qu’il ne mit pas les pieds en Grande Loge et la laissa se déchirer.
Le seul indice de son intérêt sont quatre lettres, publiées par A.Cordier (Histoire de l’Ordre maçonnique en Belgique, 1854), témoignant d’un souci de Clermont pour la maçonnerie.
Adressées au marquis de Gages, elles datent du 1er j. du 6° M 1766 (1er août 1766), du 1er J. du 8° M 1766 (1er octobre 1766), du 6° J. du 1e M 1766 (6 mars 1766) et du 1er J . du 12° M 1766 (1er février 1767).
Dans la lettre du 6 mars, il affirme être Rose-Croix, tout comme le marquis, et nous apprend qu’il a toujours limité le don de ce grade, « sa nation étant par trop inconstante ». Dans celle du 1er février, il parle d’un ouvrage à venir révélant tout le Sublime de la maçonnerie en 15 grades. C’est bien peu.
Sous sa GM, le nombre de loges alla croissant pourtant, de 20 en 1743 à plusieurs centaines à sa mort, ce qui ne signifie pas qu’il prit part à cette croissance ni s’en préoccupa.
Eut-il une loge privée où il cultivait les hauts-grades ? Sa signature au bas des statuts de la RL St-Jean de Jérusalem le rend possible. De même la délibération du 21 septembre 1766 du Conseil des Chevaliers d’Orient condamnant le grade de Kadosch pourrait avoir eu son aval, du moins d’après Naudon[2].
La seule trace de son élection est dans l’article IX des règlements généraux du 11 décembre 1743 :
C’est pourquoi après que le Grand Maître sera installé on requerra solennellement l’avis des Frères ; c’est ainsi qu’on en a usé à l’égard des présens règlemens qui ont été proposés par la Grande Loge tenue le 11 Xbre 1743
- Reglemens généraux extraits des anciens registres des loges à l’usage de celles de France avec les changemens faits à la grande loge assemblée tenüe le onzième décembre 1743 pour servir de Règles à toutes les loges du dit royaume.
- Règlements en 20 articles qui indiquent aussi l’apparition des Ecossais ! A l’article 20. Ce sont les Statuts d’une Grande Loge opposée aux grades supérieurs.
Ces statuts nous paraissent étonnement précis[3], quasi prêts à l’emploi.
La grande loge est composée des maîtres et surveillants de toutes les loges particulières. Elle se réunit en communication de quartier déterminée par le Grand Maître. Celui-ci a à sa gauche son Député et en face de lui ses Grands Surveillants. Ne sont régulières que les loges érigées par la GL. Les affaires en GL se règlent à la pluralité des voies.
Ne portent les bijoux en or suspendus à un collier bleu que le GM, son Député, les GS, les anciens GS, le Secrétaire et le Trésorier. (art. 1)
Les listes des membres de chaque loge doivent être communiqués à la GL. Le Grand Secrétaire porte deux plumes en sautoir et le trésorier une clef d’or (art. 2)
Les grands officiers ne peuvent être officiers d’une loge privée (art. 6). Le GM ou son Député ou ses GS visiteront une fois l’an toutes les loges de la ville et des environs (art. 8).
Chaque (assemblée de) Grande Loge peut faire des règlements (art. 9).Chaque loge particulière peut faire des lois particulières (art.12). Aucun frère/profane ne peut être admis sans le consentement unanime des frères (art. 15) et seulement 15 jours après être annoncé (art. 14)
Aucune loge n’est régulière si elle n’est fondée avec la permission du Grand Maître et aucun maçon n’est régulier s’il n’est membre d’une loge régulière (art. 16).
Enfin l’art 20 condamne les « Ecossois » :
Comme on apprend que depuis peu quelques frères s’annoncent sous le nom de Maîtres Ecossois et forment dans les loges particulières des prétentions et exigent des prérogatives dont on ne trouve aucune trace dans les anciennes archives et coutumes des loges répandues sur la surface de la terre ; la GL a déterminé affin de conserver l’union et la bonne harmonie qui doit régner entre les FM qu’à moins que ces maîtres Ecossois ne soyent officiers de la GL, ou de quelque Loge particulière, ils ne seront considérés par les frères que comme les autres apprentifs et compagnons, dont ils doivent porter l’habillement sans aucune marque de distinction quelconque.
Ces statuts sont signés par La Cour D.G.M.
- 27 décembre : installation de Clermont (Thory. Etait-il présent ?)
- 1744 : Pouvoir confié aux « Députés », Christophe Jean Baur[4] puis de Mussel. Vu leur inactivité, les M de L délivrent des lettres de Constitution. Transformation du vénéralat annuel en une possession vénale.
- 8 juin 1745 : perquisition à l’hôtel de Soissons, rue des deux écus. C’est la dernière marque d’opposition du pouvoir, « la dernière profanation du temple », écrit Chevallier, avant 1940. Clermont joua-t-il un rôle dans cet arrêt des poursuites ? Aucune preuve.
2° Les partis en présence.
- 1758 : création du Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident, Grande et Souveraine Loge de Saint Jean de Jérusalem, par Pirlet, liégeois d’origine et tailleur d’habits de son état.
- 1760 Lacorne, maître à danser, se ( ?) donne le titre de Substitut particulier et réunit des M de L en « Grand Orient », donc une GL personnelle. Une deuxième Grande Loge se forme, composée de gens « de bas étage » (Pény)
- Mort de Lacorne au printemps 1762. Service funèbre le 5 avril 1762.
- 24 juin 1762. Après sa mort, les deux « Grands Orients » Lacorne et Pény se réunissent en une Grande Loge de France, composée des seuls M de L parisiens, sous la direction de Augustin Jean François Chaillon de Jonville[6] (1733-1807), grâce aux soins de Le Boucher de Lenoncourt[7]. Le nom de Chaillon apparaît comme « Substitut du GM » le 6 septembre 1762 dans le Registre de la GL.
- 22 juillet 1762 : création du Conseil de Chevaliers d’Orient, d’après Thory
- 14 décembre 1762 : sept commissaires sont désignés pour effectuer la fusion des deux Grandes Loges. ils établissent des règlements acceptés par les LL de province[8].
- Sont nommés Grands Officiers de la GL de France, Moët, président ; Le Roy, secrétaire général ; Brest de La Chaussée[9], garde des sceaux ; plus tard, Zambault devient secrétaire général.
- Le F. de Valois, garde des archives de l’ancien conseil des Chevaliers d’orient (dont étaient membres Moët, Le Roy, la Chaussée et Le Boucher de Lenoncourt) annonce qu’il ne se réunit plus.
- La GL ne pratique que trois premiers degrés tandis que « Le Conseil des empereurs d’Orient et d’Occident, Sublime mère Loge Ecossaise »[10] (SMLE), organisme de hauts-grades, ne prend jusque là aucune part aux opérations de la GL.
- Deux groupes en présence, Conseil des Chev d’Orient[11] et Sublime Mère Loge Ecossaise, qui vont se disputer le contrôle de la Grande Loge.
Les personnalités appartenant à ces deux organismes semblent indiquer la différence sociologique entre elles, le Conseil des Chevaliers d’Orient était plus aristocratique (Moët, la Chaussée, Chaillon …), le Conseil des Empereurs nettement plébéien (Pirlet, Pény, …).
3° Les élections de 1765.
- En 1763 et 64, La Chaussée ne se présente que rarement en GL. Il se contente de signer les documents.
- En janvier 1764 (le 22), la GL reconnaît l’autorité de la SMLE pour les grades supérieurs à l’occasion d’une querelle de prééminence survenue à Lyon.
- La SMLE s’en sert contre la Mère Loge Ecossaise du Contrat Social, issue de Saint Lazare.
- GL dirigée par triumvirat Moët, Le Roy, La Chaussée, du Conseil des Chev. d’Orient, instruits par Morin ( ?).
- 27 décembre 1765. Elections et remplacement des offices pourvus depuis 1762. Elections manipulées par le triumvirat qui se réserve les places éminentes. Distribution de bulletins préinscrits …. Le Boucher propose d’attribuer d’office les fonctions à des grands seigneurs, les Comte de Choiseul, marquis de Seignelay, prince de Nassau et le duc de la Trémoille. Proposés dans un conventicule chez Zambault, ils furent nommés aux élections malgré l’opposition de Moët, président de la GL et Chef du conseil des Chev. d’orient. Ces grands seigneurs refusent l’élection et sont remplacés par des Chev. d’orient.
- Révolte des mécontents devant cette mise en main. Propos injurieux rapportés par Zambault dès février1766.
4° Protestation contre les élections de 1765.
- 21 mars 1766 : Communication de quartier. Protestation contre les élections signées de 18 M de L. Moët refuse de la lire car « injurieuse ». (49 présents en GL dont Labady et Pirlet). Election de deux SS et de plusieurs experts.
o 5 avril 1766 : lecture d’un mémoire « scandaleux » dirigé par les Chev. d’Orient contre les protestataires (en fait réponse au libelle) et lecture par Moët du libelle des protestataires. 21 présents dont Tschoudy et Labady. Neuf des 18 signataires de la protestation sont exclus de « toutes les loges », Perrault, Pény, Hardy, Guillot, Daubertin, Ponsard, Maurin, Pethe & Lacan (Daubertin et Lacan n’avaient pas signé le libelle). Cette condamnation fut votée par Moët, Le Roy (orateur), la Chaussée, Ledin (trésorier), Zambault (secrétaire) (impliqués dans le libelle) ; Martin, Thierrat, le Lorrain, Lafin et Joubert de la Bourdinière (tous Chev d’Orient et officiers) ; Baquet, Guainard, Lettre et Labady (officiers) ; Magnier et Tschoudy[12], membres.
- Entre le 5 avril et le 14 mai, sept FF se rétractent, ne restent que onze exclus. Les décrets de prescription sont envoyés en province par Zambault..
5° Le rôle de François Le Boucher de Lenoncourt.
- Signataire du libelle, se rétracte dès le 5 avril 1766.
- 3 juin 1766 : Les Chev. d’Orient proposent la proscription de Boucher.
- 17 juillet 1766 : on n’en parle plus !
Mais la Chaussée aurait obtenu la suspension des travaux de la GL en 1767, d’après Le Précis ! Or, le Boucher de Lenoncourt est accusé par la Chaussée, dans son mémoire, d’avoir obtenu, en février 1767, du gouvernement la cessation d’activités de la GL.
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Donc deux affirmations opposées ! Difficile de faire la part des choses.
Quoi qu’il en soit, la Chaussée profitera de la suspension pour déclarer faussement que le Boucher est exclu de la GL. L’hostilité à Le Boucher semble provenir d’éléments privés et de sous-entendus malveillants.
6° La suppression des Mères-Loges de province le 14 août 1766.
Le 3 juin 1765, la GL avait créé des Mères-loges à Strasbourg et Lyon mais, suite à des plaintes nombreuses, les supprima par décret le 14 août 1766.
Le décret était rédigé par les chev. d’Orient et portait les sceaux et timbres de la GL et du Conseil des chev d’Orient !
7° Proposition d’union de la GL et de la S.M.L.E.
La SMLE avait pris le titre de Souverain Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident, Sublime Mère Loge Ecossaise du Grand Globe de France. Son président était Pirlet
- 2 octobre 1766 : Gaillard, orateur de la SMLE, proposa de confondre les deux autorités[13], GL et SMLE[14]. Mais Moët s’y opposa de façon assez théâtrale et obtint gain de cause. L’affaire fut remise à la prochaine assemblée. Mais Gaillard fit imprimer son discours et le distribua aux M de L qui devaient voter..
- 16 octobre, une cabale se monte contre Vincent Labady, accusé d’être le promoteur de ce projet d’union. Jean-Lazare de Salla, trésorier peu honnête de la loge de Labady, membre des chev. d’Orient, écrivit un mémoire infamant sur Labady et demanda à être entendu par la GL. Labady demanda que Moët et Le Roy, ses ennemis, fussent commissaires. Ils s’adjoignent Guainard, secrétaire général de la SMLE.
- Un familier des Chev. d’Orient, Thierriat, porta plainte contre Gaillard pour la distribution de son mémoire mais elle n’eut pas de suite mais elle fut actée, ce qui était déjà une victoire pour les chev. Les VM présents refusèrent de signer le registre qui ne fut signé que par Zambault, La Chaussée et Joubert de la Bourdinière.
- Entre le 16 octobre et le 15 novembre, Moët et Le Roy tentèrent une médiation entre Labady et son accusateur, médiation que Labady refusa. Moët[15], furieux, annonça que cette affaire ne serait pas « jugée par des maçons ».
- Labady est arrêté le 1er décembre et exilé à Blois le 28 du même mois. Ordre de Moët ou du gouvernement ?
8° Emprisonnement de Labady au For-L’Evêque.
- 1er décembre 1766. Arrestation de Labady et confiscation de ses papiers maçonniques. C’est Salla qui indiqua l’habitation de Labady.
- Mis au secret jusqu’au 16 décembre puis interrogé par le commissaire Durocher. On lui demande de trier les papiers relatifs à la SMLE et d’ouvrir un paquet cacheté indiqué par Salla. Puis Durocher se fait reconnaître comme F. (de Toulouse) et propose à Labady de porter plainte, lequel refuse. Il déclare que son arrestation est due aux changements qu’il voulait faire dans l’ordre pour son bien et son honneur. Tout est ouvert et, en fin , 33 pièces , Statuts, lettres, missives et discours sont cotées et signées par Labady, toutes ayant trait aux changements projetés. Elles sont remises au lieutenant de police.
- Labady est remis au secret jusqu’au 28 décembre, relégué à Blois (mais y alla-t-il ?) et libéré le 11 janvier 1767.
- Il assiste aux funérailles du F. Zambault, décédé le 21 janvier 1767, et est présent en GL le 4 février.
9° Assemblée du 4 février 1767.
- Moët démissionne de la présidence, on se demande pourquoi.
- Lors de l’assemblée, on enlève la présidence aux chev. d’Orient, Le Boucher devient 2° Grand Surveillant, Bacquet[16] devient président, Bourgeois[17] devient secrétaire, Paris[18] devient Premier Grand Surveillant.
La suspension des travaux suivit cette assemblée ! On n’échappe pas à l’impression que les Chevaliers d’orient ont obtenu cette suspension pour éviter leur défaite totale ! Or comme ils étaient plus proches du pouvoir… !
10° L’assemblée du 21 février 1767 et les « ordres du gouvernement ».
Assemblé extraordinaire et non prévue par les statuts de 1763 !
Au préalable, outrés de voir leur échapper la présidence et le secrétariat, les Chev. d’Orient, par la voix du F. Ledin, apostrophent Labady et l’injurient en GL pour sa détention récente. Labady porte plainte puis se désiste.
La suspension fut annoncée par une note de La Chaussée :
Avons délibéré en vertu des ordres du Gouvernement qui nous ont été communiqués par kos TCD de la Chaussée, Grand garde des Archives & Ledin, trésorier, que la TRGL de France suspendrait ses travaux jusqu’à des temps plus heureux
La Chaussée et Ledin ont-ils agi seuls ? La Chaussée exhiba des lettres de convocation émises par le magistrat de la capitale[19], ils persuadèrent les ff. qu’ils avaient reçu des ordres précis pour cesser les travaux maçonniques, ce que tous acceptèrent.
En fait, on n’a pas trouvé d’ordre écrit. Sartine a-t-il donné un ordre verbal ?
Ce n’est que trois ans plus tard, le 30 octobre 1769, que La Chaussée et le Roi envoient une circulaire annonçant cette suspension en ajoutant que cette suspension était due à un ordre du Substitut Général, Chaillon de Jonville.
A vrai dire, dans une lettre du même 30 octobre, La Chaussée dit que les travaux ont été suspendus pour des raisons indispensables et que c’est sur ordre de Jonville qu’il en a averti les ff., ce qui n’est pas la même chose.
11° Situation anarchique de la maçonnerie durant la suspension.
Les Chev. d’Orient ne veulent pas briser les sceaux que conserve La Chaussée. Il veut aussi le registre des délibérations mais celui-ci est confié au secrétaire.
La Chaussée prétend cependant qu’il recevait toute la correspondance, étant le seul connu.
La suspension de la GL ne signifie pas la suppression de l’ordre. Les loges continuent à se réunir comme à l’ordinaire, reçoivent diplômes, Constitutions, brevets , grades …. signés par La Chaussée. Mais des FF présents à l’assemblée du 21 février et qui usurpent les fonctions de la GL, prétendant même qu’elle a repris des travaux. Ce sont Pény, qui prétend avoir reçu ses pouvoirs de Jonville, Duret, l’Eveillé, vice –présidents, et Poupart[20], Secrétaire Général.
Le 8 octobre 1769, Jonville envoie une circulaire certifiant que la GL n’avait pas repris ses travaux, qu’il n’avait donné aucun pouvoir à Pény, Duret, l’Eveillé et y joignit le nom des ff. bannis en 1766 et qu’il avait fait choix de FF fidèles pour servir de dépositaires de confiance
C’était Moët, Le Roy, La Chaussée ! Les documents signés par eux étaient les seuls valables.
Jonville se déchargeait de toute fonction et donnait à la Chaussée le dépôt de la maçonnerie en France.
La Chaussée pouvait notamment autoriser des FF à former une loge malgré la suspension des travaux de la GL.
L’interdiction ne visait que la Grande Loge des Maîtres de Paris, dite de France , elle ne portait pas sur les corps rivaux !
Il y en eut quatre, - la GL elle-même faite des maîtres de loge, - la GL Pény, Duret, L’Eveillé ; - une autre menée par Pirlet, fondateur du Conseil des Empereurs (avec plusieurs des bannis de 1766); - enfin Jonville, La Chaussée, Moët, Le Roy qui étaient inactifs mais possédaient les sceaux, registres et timbres.
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12° Tentative de reprise des travaux.
En 1769, Pény et Duret demandèrent audience à Chaillon, raison pour laquelle la Chaussée et le Roy établirent la circulaire du 30 octobre 1769 et donnèrent de la publicité aux décrets de 1766. Cette audience visait à faire reconnaître leur GL. Elle n’eut pas lieu.
C’est à cette époque que la Chaussée déclara exclus le Boucher, 2° Grand Surveillant de la GL, qu’il poursuivait de sa haine depuis 1766.
- Labady, membre des empereurs, fait une tentative d’union lors d’une réunion de quelques FF désireux de reprendre les travaux, en 1770.
- Quelques FF demandent au lieutenant de police de lever l’interdiction. En vain.
- Requête de 29 FF, dont certains des Empereurs, envoient une délégation à Chaillon : Bourgeois, Lafin, Martin et Graillard. Labady parmi les signataires.
- 20 mars 1770 : Poupart confesse avoir assisté à une assemblée de FF exclus. Le même jour, les bannis de 1766 demandaient une révision de la peine.
- Assemblée probable de la GL en février-mars 1770.
- 16 juin 1771 : décès du comte de Clermont.
- 21 juin 1771 : La GL de France reprend ses travaux.
[1] Château appartenant à l’Abbaye de Saint-Germain, situé dans la municipalité de Fresnes..
[2] Naudon ne donne aucune preuve de son affirmation.
[3] Deux lacunes cependant Il n’est pas écrit que seules sont représentées les loges de Paris et il n’est question nulle part d’un Maître des Cérémonies qui n’existait sans doute pas encore.
[4] Banquier, né à Genève, aurait prêté de l’argent à Mlle Leduc. Ce serait sous son mandat que la Grande Loge décida qu’elle ne pouvait être constituée que de VM de Paris ou de leurs représentants. Décédé en 1770.
[5] On reconnaît les actuels 5°, 6°, 9° et 14° degrés du REAA.
[6] Ancien avocat au Parlement de Paris, Doyen des Maîtres de Requêtes.
[7] Employé au service de santé de l’armée, vénérable de L’Ecossaise de La Vertu Militaire, revêtu de tous les haut-grades. Lorrain, séjourne à Paris de 1765 à 1767.
[8] Ce sont ces statuts, adoptés en 1763, qui seraient, d’après Bernheim, à la base des Constitutions « de Bordeaux » de 1762.
[9] La Chaussée, ancien directeur de la Loterie, commis pour l’examen des comptes de la marine, secrétaire interprète de la Reine.
[10] Créé en 1758 d’après Thory, présidé par Pirlet.
[11] Créé en 1765 d’après le Précis..
[12] Tschoudy, décédé le 28 mai 1769 à Paris, âgé de 40 ans.
[13] Cette union fut réalisée en 1772.
[14] Il proposa la création de trois chambres, l’une pour le symbolique, l’autre pour l’écossisme, la troisième pour les grades supérieurs.
[15] Jean-Pierre Moët, Véné de la loge St Jean du Secret, était secrétaire du comte de Saint-Florentin, maçon depuis 1735 et Secrétaire d’Etat de la Maison du Roi en charge de Paris. Le lieutenant de police était sous ses ordres.
[16] Coutelier de son état, véné de St Fidèle
[17] greffier au parlement, véné de Socrate de la Parfaite Union et membre du Conseil des Empereurs.
[18] Véné de la Paix Immortelle et membre du Conseil des Empereurs
[19] le lieutenant de police, M. de Sartine.
[20] Pény, plumassier ; Duret, hôtelier ; Poupart, tabletier ; l’Eveillé, menuisier.